Skilandis

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Ça fait longtemps que je ne me suis pas retrouvé dehors, à l'extérieur. Quasiment un mois. Depuis qu'on me l'a annoncé. Bien qu'on me conseillait d'aller prendre l'air dans les jardins de l'hôpital, je refusais toujours, du moins, je faisais mine de ne pas entendre, alors je passais mes journées à observer le paysage à travers la fenêtre en espérant te voir arriver par l'allée principale. C'est pathétique n'est-ce pas ? Je sais que tu aurais détesté me voir dans cet état. Mais une partie de moi avait toujours l'espoir de te voir débarquer et de m'emmener loin d'ici, loin de Baltimore. Je crois que je me fais à l'idée que tu ne sois plus là, mais la douleur reste la même. Sincèrement je ne pense pas qu'elle s'en ira un jour, parce que après tout c'est toi et rien que toi. Seulement l'idée de mettre fin à mes jours s'est envolée, parce que oui, je voulais mourir. J'existe pas sans toi, Hannibal. Je me demande ce que tu aurais pu me dire, mais je ne pense pas que tu m'aurais qualifié de lâche puisque tu étais le premier à trouver la mort rassurante. Considérant la mort comme un remède, Socrate avait lui-même mis fin à ces jours et je pense que ça aurait pu être le mien afin de ne plus avoir aussi mal. Je ne sais pas ce que je ferai après tout ça, peut-être que je retournerai en Italie ou alors j'irai en Lituanie. Et je raconterai ton histoire, notre histoire au monde entier. Qu'en penses-tu ? Baltimore ce n'est plus pour moi. D'ailleurs, tu aurais sans doute voulu être enterré au même endroit que Mischa, dommage de ne pas avoir été là pour m'en charger. Mischa. Je me souviens de la première fois où tu as mentionné son nom, je me suis senti idiot de me l'imaginer, elle devait beaucoup compter pour toi. Je t'avoue que j'ai beau te comprendre, j'aurais aimé que tu me parles un peu plus de ton passé, peut-être que si je ne nous avais pas poussé en haut de cette falaise, tu m'en aurais parlé. Je ne crois pas en une vie après la mort, mais si elle existe, je ne manquerai pas de te le demander.

Le cimetière ne se trouve pas si loin que ça du centre-ville, c'est pour cela qu'à peine vingt minutes de marche la circulation se fait plus présente. Je ne sais pas vraiment ce que je fais ici, puisque ma maison est vraiment en retrait par rapport aux bruits de moteur des voitures, à ces quelques immeubles et à ces gens.  Bizarrement mes jambes me guident d'elles-mêmes dans l'une des ces rues, que je connais que trop bien depuis le temps. Tu l'as déjà deviné, j'en suis sûr. Ça aussi tu l'avais prévu. Alors quand je me retrouve devant ton cabinet, je prends une grande inspiration avant d'entrer. A première vue, rien n'a changé. Mais c'est lorsque j'entre dans la pièce principale que ma respiration se coupe brusquement. Plus rien. Il n'y a plus rien. Tout a été changé. Même ton bureau. Même ces fauteuils où je nous revois assis, l'un en face de l'autre.


- Je peux vous aider ?


Surpris, je fais volte-face en direction de cette voix masculine qui se forme bientôt en une silhouette. Un homme de la quarantaine se tient debout à quelques mètres de moi, tenant dans ses mains quelques paperasses. Et de longues secondes s'écoulent avant que je ne sois capable d'articuler un simple « non ». Ce dernier arque l'un de ses sourcils, avant de poser ses papiers sur le nouveau bureau en bois de cerisier. Je le vois s'approcher de ma personne, afin de me tendre sa main, que je ne prends pas alors il la rabaisse le long de son corps.


- Je suis le docteur Miller, le nouveau psychiatre. Je croyais avoir fermé la porte, mais j'ai dû oublier avec ce déménagement. Ils ne m'ont rien laissé lorsqu'ils sont venus tout prendre. Vous y croyez vous ? Ce magnifique bureau. Il me sourit et passe ses doigts dans ses cheveux, j'en déduis alors qu'il doit être stressé, peut-être même nerveux. Vous devez certainement être celui qui doit prendre ces derniers bouquins. Je les ai mis dans un carton à l'entrée. Si vous avez besoin de moi je suis en haut.

Inside your veinsWhere stories live. Discover now