Anties krūtinėlė

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- Qu'est-ce que tu vois Will ?

Le docteur Miller est allongé sur son propre divan et je reste de longues secondes à l'observer. C'est un travail bâclé et tu n'aurais pas apprécié. En vérité je n'avais pas l'intention de le tuer, il s'est juste montré grossier. Et la rue est plutôt fréquentée, je suis simplement sorti au bon moment, une minute de trop ou de moins aurait pu tout faire foirer. Et ça, ce n'est concevable. A l'aide de mon index, je remonte mes lunettes sur mon nez puis je soupire avant de répondre à Jack, qui s'impatiente tandis que Zeller s'occupe de photographier le cadavre.

- Je ne pense pas que son but premier était de le tuer, ce n'était pas réfléchi. On aurait pu le surprendre à tout moment, si c'était calculé il ne l'aurait pas tué ici.

- Il ? Me demande Jack.

- Une femme n'aurait pas pu maintenir son cou aussi longtemps, c'est incroyable à quel point nos mains ne peuvent suivre la cadence. Serre mon poignet de toutes tes forces, vas-y, tu verras. On ne garde cette pression que quelques secondes seulement et Dieu seul sait -ou moi, mais ça ne je ne le mentionne pas.- que des minutes se sont écoulées avant qu'il ne perde connaissance.

Jack n'agrippe pas mon poignet, mais le sien pour finalement hocher la tête. Je ne sais pas pourquoi, mais lorsque nous sommes entrés dans le cabinet, j'ai eu l'impression que ce dernier n'était que soulagé en voyant la scène qui se présentait devant ses yeux. Je n'ai pas osé lui demander à quoi il s'attendait, mais peut-être que j'aurais dû.

- En tout cas, qui que ce soit, il est reparti avec les derniers livres de Hannibal. Pendant un instant j'ai cru que... Que c'était lui.

- Mais il est mort, Jack. Et tu sais autant que moi que ce n'est pas son travail.

Aucune réponse de sa part, ce qui me fait relever mon regard dans sa direction. C'est la première fois que je le vois ainsi, et j'aurais pu jurer qu'à travers ses iris je pouvais apercevoir de la peur. Je n'ai jamais vu Jack apeuré. Du moins, une seule fois, quand il a compris que sa femme, Bella, avait un cancer. Putain, mais qu'est-ce que j'ai raté durant ces dernières semaines ?

- Jack ? Tu ne devrais pas t'inquiéter, ça doit simplement être un fan du Docteur Lecter, ce pourquoi il est reparti avec ses livres, on l'attrapera vite.

Je l'entends me répondre qu'il a des appels à passer et que je peux rentrer, qu'il est tard, après quoi je le suis du regard jusqu'à la sortie. Alors ça, c'était vraiment étrange de la part de Jack, que lui arrive-t-il ? Mon attention se reporte sur Zeller qui hausse les épaules comme s'il venait de lire dans mes pensées avant de se lever. Il faut absolument que j'en parle à Alana, peut-être qu'elle ne m'a pas tout dit.

********

Je n'ai pas réussi à joindre Alana durant le trajet jusqu'au motel. D'ailleurs, ça m'étonne qu'elle n'ait pas essayé de le faire bien avant moi, je m'attendais plutôt à ce qu'elle soit du genre à me harceler de messages, mais ce n'est pas le cas. Tu sais, j'ai l'impression que tout le monde a plus ou moins changé depuis cette fameuse nuit, telle une tempête tu as laissé des traces derrière toi. Tu nous as marqué et je ne pense pas que quiconque pourra s'en remettre. Se remettre de toi. Même après tout ce temps, tu es toujours dans un coin de ma tête et tout ce que j'entends dans ce chaos infernal c'est ton prénom.

Alors finalement, je change de trajectoire, je prends un tout autre chemin. Personne ne viendra me chercher ici, personne ne me verra. Tout ce dont j'ai besoin c'est d'être près de toi, non je ne retourne pas te voir, je ne suis pas encore prêt à revenir sans vouloir tout détruire autour de moi. Mais je sais où je pourrai me sentir avec toi. Chez toi. Je me demande ce qu'ils ont pu en faire après ton départ en Italie, après ton décès, ils ont certainement dû la mettre en vente, j'espère pour moi qu'elle n'est pas encore vendue. Et mes espérances se concrétisent lorsque je me gare devant la façade de ta maison. Même si la nuit est tombée, je peux y voir le panneau d'une agence immobilière, planté dans la terre. Heureusement pour moi, je me souviens que l'une de tes fenêtres était plutôt défectueuse, alors je n'ai pas besoin de la briser pour entrer à l'intérieur, ce que je fais quelques minutes après. Contrairement à ton cabinet, rien n'a été déplacé ici, du moins, je parle pour tes meubles, je pense que le reste de tes livres et de tes dessins, doit résider à Quantico. Est-ce que tu les aurais laissé faire ? Est-ce que tu les aurais laissé te prendre ta liberté ? Est-ce que j'ai raison si je te dis que tu aurais préféré la mort plutôt que d'en être privé ? C'est d'ailleurs ce qui est arrivé. En quelque sorte.

Après avoir longé ton couloir, en enlevant le drap blanc de dessus tes meubles, j'arrive dans cette pièce bien trop familière. Dans cette pièce, il y a cette grande table, entourée de ses chaises et présentée devant cette grande baie-vitrée. Bizarrement, je ne résiste pas à l'envie de m'asseoir tout au bout de cette dernière. Je te revois entrer à ton tour, afin de me ramener ces fameux plats tout aussi délicieux les uns que les autres. Je te revois prendre place à mes côtés et je te revois me sourire, me regarder, me parler. Ces souvenirs sont devenus tellement précieux pour moi que ça en est douloureux. Vraiment douloureux, que je ne percute même pas que mes larmes roulent le long de mes joues. J'ai brusquement envie de hurler que tu n'es qu'un égoïste qui n'a pas su rester pour moi, mais tous les Hommes le sont, tous les Hommes sont mauvais. Les Hommes sont mauvais parce qu'ils soumettent leur devoir à leur bonheur quand c'est l'inverse qu'il faudrait faire. Et je suis le premier à ne pas avoir su le faire. De toute façon te traiter d'égoïste ne changerait rien, puisque c'est à cause de moi que tu n'es plus là. Mais c'est plus facile de t'en vouloir que de m'en vouloir. Je me déteste.

Mes coudes posés sur la table, je passe mes mains dans mes cheveux, que je tire tandis que j'essaye de contrôler les sanglots qui s'échappent de mes lèvres, ces dernières qui se sont mises à trembler. Devant Jack, je dois faire celui qui s'en fout, mais au fond ça me tue. C'est justement à ce moment là que mon portable se met à vibrer dans la poche de ma veste, alors je me redresse sur ma chaise, tout en me ressaisissant, du moins, j'essaye. Je renifle bruyamment puis je réponds enfin à cet appel.

- Will ? C'est Alana, tu as essayé de me joindre ?

Comme je ne réponds pas, elle insiste.

- Will, t'es là ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Où es-tu ?

- Je l'ai tué. Je l'ai tué. J'ai tué Hannibal. Je l'ai tué, je l'ai tué. Dis-je à la suite, à moitié hystérique. Il est mort à cause de moi, je l'ai tué.

- Will calme-toi, dis-moi où tu es, je viens te chercher.

Je ne sais pas comment je me débrouille pour lui dire et lui avouer que je me trouve chez toi. Je sais qu'elle s'est retenue de me sermonner, elle s'est juste contentée d'un « bouge pas, j'arrive », avant de raccrocher. Après ça, je me suis simplement levé pour rejoindre l'extérieur et m'asseoir cette fois-ci sur l'une des marches du perron, jusqu'à ce qu'elle arrive.

Lorsqu'elle se gare enfin, pour se précipiter dans ma direction en suite, je ne perçois aucun jugement dans son regard. Simplement une pure tristesse, je crois même que ces yeux sont également remplis de larmes, seulement il fait trop sombre pour que je puisse en être sûr. Ils brillent seulement. Elle s'agenouille devant moi, en posant ses mains de part et d'autre de mon visage.

- Je suis là, Will, tout va bien.

C'est faux, rien ne va bien et certainement pas moi.

- Ne le dis pas à Jack.

C'est la seule chose que j'arrive à ajouter. Elle soupire mais hoche cependant sa tête de bas en haut, avant de m'aider à me relever pour rejoindre sa voiture. Quant à la mienne, je la récupérerai demain. Je sais qu'elle m'emmène chez elle et bien que ce matin je ne le voulais pas, je ne proteste pas cette fois-ci. Mes yeux rivés sur mes mains, j'attends qu'elle me demande ce que je faisais ici, mais elle ne le fait pas parce qu'au fond elle connaît déjà la réponse. On le sait tous les deux. Mais avouer à voix haute que je t'aime rendrait les choses encore plus réelles.

C'est après quelques minutes que je me rends compte de la route qu'elle a décidé d'emprunter, ce qui me fait légèrement paniquer. Elle va chez Jack. Et comme si elle venait de lire dans mes pensées, elle ajoute :

- Ne t'en fais pas, je ne compte pas le lui dire, je vais juste lui déposer un dossier.

C'est d'ailleurs ce qu'elle fait, du moins, jusqu'à ce que je l'entende hausser sa voix de l'autre côté du trottoir après être arrivé. Alors machinalement, mon regard se pose sur Alana, debout devant Jack qui se tient sous l'encadrement de sa porte d'entrée. Et c'est quand je m'apprête à sortir du véhicule pour savoir ce qu'il se passe, que je l'entends.


« Je ne peux plus lui mentir. »

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