Les Dinosaures (Nathaniel) - (Mélody)

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- Nathaniel...? demandai-je d'une petite voix. 

- Nathaniel Le Clair. 

Nathaniel... Nathaniel... 


***


Il était grand, il faisait presque une demi tête de plus que moi alors que nous n'avions même pas six mois d'écart. Je me sentais petite à côté de lui. Il étais aussi très mince, ses joues étaient creusées et ses poignets vraiment fins. Mais je le trouvais beau. Je ne sais pas si c'était ses yeux, d'un brun ambré, ou ses très beaux cheveux blonds un peu ébouriffés, alors que tout le monde était brun dans mon entourage, mais il m'avait tout de suite... plu. Enfin, comme on peut plaire lorsqu'on a six ans. Je l'aimais bien. J'aimais le voir. Nous habitions dans la même rue près de l'école et de temps en temps, le matin, en me retournant lorsque ma mère m'emmenait, je l'apercevais derrière moi avec son cartable sur le dos. 

Je l'enviais un peu, parce que lui allait à l'école "tout seul", sa mère le laissait faire les quelques dizaines de mètres qui séparaient notre rue de l'école primaire où la mienne était était institutrice. 

Il rentrait aussi tout seul, d'ailleurs et moi je devais souvent attendre que ma mère ait fini et qu'elle me ramène à la maison. Je n'avais jamais le droit de rentrer seule. Alors que lui, il pouvait. Il avait les clés de sa maison et je trouvais ça fabuleux. J'aurais voulu plus de libertés, moi aussi. Je pense que ces petites choses contribuaient à me le rendre attirant. Il savait "faire tout seul". Il me semblait déjà grand ; j'étais une petite fille collée à sa maman. 

Un jour, j'avais réussi à échapper à la vigilance de ma mère et je l'avais rejoint dans la cour, à la sortie, je lui avais proposé de faire le chemin avec lui, même si je savais pertinemment que ma mère n'allait pas aimer ça, et que moi, à l'inverse de lui, je n'avais pas les clés et que ça me condamnait à attendre sur le pas de la porte. Mais la porte de derrière quand même, je n'allais pas rester à la vue de n'importe qui. On avait été très clair avec moi : "ne parle pas aux étrangers" et surtout "si une voiture s'arrête à ta hauteur, même dans notre rue, fais au moins trois pas en arrière". Je savais qu'il y avait des dangers. Ça ne l'empêchait pas, lui, de rentrer seul. Donc je m'étais dit que peut-être, je pouvais l'imiter. 

Quand je le rejoignis devant l'école, il me dit qu'il ne rentrerait pas. Je le regardai avec des yeux ronds. 

- Tu rentres pas? 

Il fit non de la tête. 

Ça me paraissait surréaliste. Où est-ce qu'on allait, si on n'allait pas à l'école ou chez soi? 

- Je vais acheter à manger. 

J'en fus très déçue. Je ne pourrais pas rentrer avec lui alors, il allait dans un endroit que je ne connaissais pas... Je ne pouvais pas l'accompagner, j'avais trop peur cette fois.

Il traversa la route et mon cœur se serra. Il y avait des voitures... Est-ce qu'on pouvait traverser la rue sans donner la main à sa maman? Je le vis regarder à droite, à gauche et passer de l'autre côté de la rue. Profitant que le petit bonhomme était encore vert, je courus comme une folle derrière lui avec le cœur qui battait à tout rompre parce que j'étais en train de traverser la rue, sans donner la main, sans même qu'il y ait un adulte à côté de moi. Et quand j'arrivai à sa hauteur, je souris de toutes mes dents parce que j'avais réussi, moi aussi : j'avais fait quelque chose toute seule. Mais au moment de me retourner pour aller retrouver ma mère à l'intérieur de l'école, je restai pétrifiée. Le feu était repassé au rouge, les voitures défilaient devant mes yeux et je n'osai plus faire un pas. Apeurée, je cherchai mon ami des yeux. Je ne voulais pas rester ici toute seule, je ne pouvais pas.... 

Sweet AmortentiaWhere stories live. Discover now