Soutiens (Lysandre) (Violette)

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- Ma mère est morte il y a deux ans donc j'imagine que je sais un peu par quoi tu passes.

Lysandre baissa la tête comme si elle pesait soudain une tonne et que le poids de sa bêtise l'obligeait à plier le cou.
Qu'avait-il cru au juste pendant ces deux derniers mois ? Qu'il était le seul à connaître la souffrance et le deuil ?
Il avait perdu son père, oui. Mais d'autres personnes étaient passées par là bien avant lui.

- Cancer du sein, précisa Violette d'une voix lointaine.

Évidemment. Le cancer... Cette saloperie !

- Pardon, je... souffla Lysandre sans réussir à trouver les mots qu'il voulait. Je... Je savais pas...
- Tu n'avais pas remarqué que j'avais loupé les cours pendant plusieurs mois il y a deux ans et que c'était pour ça que j'avais redoublé ?

Non, il n'avait pas fait le rapprochement.

- Je m'en doutais, conclut Violette devant l'absence de réponse de Lysandre. On n'a jamais été proche, en même temps. Ça s'explique. Et tu n'es pas vraiment du genre à faire attention. Quand on passe son temps à chercher ses propres affaires, j'imagine qu'on n'a pas tellement la tête à regarder les autres.

Elle s'assit en tailleur sur le rebord du trottoir. Le garçon n'osa pas l'imiter. Il se sentait si honteux que la culpabilité le bouffait rien qu'à s'imaginer s'asseoir à côté d'elle.

- Je suis... essaya-t-il.
- Désolé ? coupa la jeune fille sans le regarder. Ça fait deux ans, je n'ai pas besoin que tu sois désolé. C'était à ce moment-là que le soutien pouvait me faire du bien. Maintenant, ce n'est plus la peine, je t'assure. En fait, je viens juste pour essayer de t'aider. Il faut bientôt rendre les dossiers d'orientation et j'imagine que tes projets sont un peu chamboulés. Alors je me suis dit que tu voudrais peut-être en parler. Je sais que je suis redoublante et que j'ai encore un an avant d'y penser, mais justement. Mon organisation a été un peu chamboulée aussi.

Il rentra la tête dans ses épaules, comme brutalisé par l'âpreté de ses remarques. Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle lui jette la réalité à la figure si brutalement. Mais apparemment, le calendrier scolaire avait choisi Violette pour se rappeler à lui.

- C'est pour ça que je suis là aujourd'hui. Je me dis qu'avoir quelqu'un qui est passé par le chemin que tu traverses aujourd'hui pourrait t'aider un peu à y voir plus clair.
- Tu es bien trop...
- Gentille ? devina Violette. C'est ce que je suis, oui. Mais ça ne veut pas dire que je l'ai été en permanence. J'ai eu... Une sale période. Je voudrais juste que puisses avoir un soutien. Pour l'instant, tu insultes ton meilleur ami à longueur de temps et...
- Je ne... !
- Tu le traites d'abruti dès qu'il tente de te faire sourire. Et j'imagine que vous aviez des plans ensemble pour l'an prochain et que maintenant tout est un peu compromis. Il te met la pression sans le vouloir, pas vrai ? Il doit avoir peur lui aussi, être chamboulé lui aussi.

Un profond soupir s'échappa des lèvres du jeune homme et s'envola dans l'air brumeux du matin.
De lassitude, Lysandre se laissa tomber à côté d'elle, ne sachant plus comment se défendre. Il avait envie de tout sauf de parler de l'avenir.

- J'ai eu ma période moi aussi, reprit-elle. Je te comprends.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Tu ne veux pas savoir... répondit-elle d'une voix sombre qu'il ne lui connaissait pas.

______________

"C'est parce que ma mère est décédée."

Violette se sentit bizarrement coupable en envoyant ce message. Tant qu'elle n'appuyait pas sur "envoyer", il n'y avait personne pour recevoir ses mots, les assimiler, les valider et ainsi, leur réalité n'atteignait pas le monde dans lequel elle vivait.
Ces mots, elle ne les avait jamais dits à voix haute. Elle ne les avait jamais écrits à personne. Elle n'en avait jamais parlé à ses amis. Malgré son silence, l'information s'était propagée en quelques jours au lycée sans que la principale intéressée ne sache comment.
Violette n'abordait pas non plus le sujet avec son père.
La réalité était là : sa mère était morte. Mais le dire, se lancer dans l'énorme travail qui menait jusqu'à l'acceptation de cet horrible fait, elle n'y était pas prête. Et elle sentait qu'elle ne le serait pas avant longtemps.

Sweet AmortentiaWhere stories live. Discover now