Douche froide

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(LISE)

Le retour de Londres fut conforme aux attentes : brumeux et interminable. Les filles comataient, plus ou moins affalées les unes sur les autres, pendant que Camille et Charlie se pelotaient comme des collégiens planqués au fond du bus en partance pour leur premier voyage scolaire. Je m'attendais à tout moment à ce que l'un des deux se rétame en glissant sur les litres de bave qu'ils s'échangeaient depuis le départ du train.

Zoé, elle, me travaillait au corps depuis qu'elle avait posé le 1er de ses 10 minuscules doigts de pied dans ma chambre, ne me laissant aucun répit pour rassembler mes idées à ma guise. Selon elle, le risque de faire une nouvelle "Liserie" était trop important pour me laisser en tête à tête avec moi-même, ne serait-ce que deux minutes. Autant vous dire que la pause pipi dans l'Eurostar fut épique, et sportive, l'espace à disposition n'étant pas franchement prévu pour que deux personnes s'y tiennent au même moment de face, de quinconce ou même de guingois. A moins d'être très intimement emboîtées. Genre comme Camille et Charlie juste avant nous. Mais bon, ça, c'était un autre débat ...

Mon moulin à parole familial et personnel, branché sur du haut débit, me collait donc aux basques depuis des heures, dans l'unique but de me faire avouer l'Inavouable, avec cet air insupportable et fanfaron scotché sur sa face de Fée Clochette qui me criait « tu sais que je sais alors dis-le ! ».

Et c'était là le cœur du problème.
Parce que l'avouer une bonne fois pour toutes, reconnaître enfin que j'étais totalement et irrémédiablement amoureuse d'Alex, c'était lancer un truc complètement fou, une vraie machine de guerre capable de me broyer en 1000 petits morceaux si je n'avais pas réfléchis un tant soit peu à une stratégie efficace en amont.

Zoé, qui visiblement trouvait mon affaire hautement légitime pour mener officiellement une croisade, continua de prendre les choses en mains sitôt descendues du train. Elle renvoya Camille, non sans mal, dans ses pénates sans sa dulcinée « sangsuesque » et embarqua sa bande chez nous. Une séance de chapeau s'imposait sans tarder selon elle, et sa proposition fut accueillie et acclamée haut et fort par les 4 autres.

1 heure plus tard, le conseil de guerre avait tranché.

Après m'avoir fait crâcher le morceau, bien évidemment, sous les vivas de la foule en délire et les airs entendus ...

Le verdict était donc simple, net et précis.
Et totalement non négociable : j'allais devoir ramper et lui avouer à son tour l'Inavouable.

J'avais bien tenté de résister, de leur expliquer que je pouvais faire ça en plusieurs étapes. Commencer par m'excuser par exemple, et le remercier de son geste envers L.C au passage. Et plus tard ... sur un malentendu ... si les conditions s'y prêtaient ... qu'il était dans de bonnes dispositions ... et qu'il m'avait dit des trucs avant lui aussi ... je pourrais ... éventuellement ... lui parler de mes petits sentiments naissants ... s'il insistait vraiment ...

Mais le Club des 5 m'avait aussitôt opposé son véto unanime. Accompagné d'une menace ferme et sans ambiguïté de divulguer la photo de mon tatouage tout neuf au protagoniste concerné en cas de reculade avérée.

Vu sous cet angle ...

Une fois le constat établi et l'ordre de mission énoncé, restait à mettre en œuvre la méthode d'exécution.

Et c'était là que ça se corsait.

Charlie avait bien tenté une technique quelques mois plus tôt, peu conventionnelle, pour ne pas dire franchement personnelle. Si elle avait réussi à récupérer son amoureux transi, ils y avaient également laissé des plumes, ou plutôt des trous ici et là et gagné un séjour à l'hôpital haut en couleurs et en émotions. Je préférais donc éviter. D'une part parce que si Camille et Charlie s'en étaient sortis miraculeusement, il était de notoriété publique que la chance ne tombait que très rarement au même endroit. Et je refusais d'être une énième statistique anonyme dans la grande cuvée des morts absurdes.

Puissance 1 000 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant