Arrêt sur image

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ALEX

Un ange passe.

Nathan me fixe. Je fixe Lise. Ce brésilien de mes deux fixe aussi Lise. Lise fixe ses pieds. Chris sourit, en parfait crétin, inconscient de ce qu'il vient de faire. Plus personne de bouge, car tout le monde attend.

Ils attendent ma réaction. Ma putain de réaction. Tous ceux qui sont là savent ce qu'il s'est passé il y a 6 mois. Enfin ce qui a été dit dans les journaux le plus souvent. Les détails ne sont connus que de Lise, Zoé, Nathan et moi. Ils sont donc tous en train de se régaler de ce merdique triangle amoureux. 1 femme / 2 hommes. Sauf que l'un des deux protagonistes masculins est Alex Miller. Pas franchement le fiancé ni le gendre idéal. Pas franchement d'un calme olympien en temps normal. Pas franchement habitué à courir après une gonzesse. Ni franchement habitué à s'en faire piquer une.

Je prends sur moi, respire plusieurs fois par le ventre, tourne sept fois ma langue dans ma bouche comme Pan-Pan (à défaut de pouvoir le faire dans la sienne pour l'instant) et me décide à parler. Enfin plus exactement à articuler le plus distinctement 4 toutes petites lettres.

- Lise ?

Silence glacial. Au son de ma voix blanche et furieuse, plusieurs se sont déjà faits la malle discretos. Parfait. Car en ce moment l'adage "plus on est de fous plus on rit" me fait pas bander plus que ça.

- REGARDE-MOI PUTAIN !

Zoé vient se mettre devant moi, sa main sur mon torse crispé. Mais on a beau s'être rapprochés ces derniers mois, à devenir presque des amis, là, elle me pète carrément les couilles en s'interposant. Et je suis pas franchement d'humeur à composer avec sa solidarité féminine à deux balles.

- Dégage Zoé, ça te concerne pas.
- Alex, tu me parles pas sur ce ton !
- Ta gueule, Zoé. Ca vaudrait mieux. Crois moi.

Le brésilien de mes deux, visiblement pas très vif d'esprit, se décide à apporter lui aussi sa pierre à l'édifice et y va de sa petite phrase, son bras autour des épaules de Lise. Génial !

- Querida ? Tudo bem ?

Putain mais c'est pas vrai, tout le monde à décidé de me faire chier là ! Et pourquoi Elle dit toujours rien ? Pourquoi Elle est la seule à pas l'ouvrir ? Et il peut pas la décoller ce bâtard, je commence vraiment à voir rouge. Il me faut une explication maintenant. Logique et rationnelle. A la Alex Miller : claire, nette et précise. Et surtout différente de celle qui tourne en boucle dans ma tête : son mariage à 9 000 km de moi pendant que je me rongeais le frein à respecter son putain de choix de prendre du recul. Qui plus est à un parfait abruti visiblement. Bon ok là je spécule mais j'ai le droit. Je suis la victime ici, non ? Merde !

Faut que je change d'approche, celle là visiblement fonctionne pas trop et je vais devenir complètement barge.

Quand mes jambes se décident enfin à suivre la demande de mon cerveau et se mettent à bouger, je me plante devant Lise, lui attrape le poignet et la tire derrière moi sans un mot. Son mari de mes deux tente de la retenir mais elle lui intime de rester là où il est, et me suit. Parfait. Je descends les marches en vitesse, Lise toujours muette mais fermement accrochée à moi et je l'emmène dehors par la porte de service. Une fois dans la ruelle, loin de la chaleur et du bruit qui m'empêchaient de redescendre, je me sens tout à coup intimidé. Et je me mets à flipper de cette explication que j'exige et qui risque de pas me plaire du tout. Parce que je vois pas trop ce qu'elle pourrait me dire d'autre que "oui je suis mariée avec ce brésilien de mes deux et je l'aime. Contrairement à toi qui n'a été que mon boss tyrannique, imbu de lui même, cavaleur, qui m'a ignorée superbement pendant un an et à qui j'ai rendu la monnaie de sa pièce pendant une toute petite soirée ridicule."

Je me sens con, dos à ce mur, à la fixer sans pouvoir sortir un son maintenant. Et Lise ne fait rien pour alléger cette ambiance pesante et merdique. Deux minutes qu'on se regarde dans le blanc des yeux maintenant, sans qu'aucun ne se décide à rendre les armes et à baisser le regard. Ou à parler. Comme si le silence remplaçait tous les beaux discours ou les explications foireuses.

Enfin jusqu'à ce que Lise fasse du Lise. De l'imprévisible puissance 1000

Son regard change brusquement. A moins que je ne le remarque que maintenant, trop obnubilé jusque là par sa putain d'explication qui ne vient pas. Elle se rapproche de moi sans crier gare et me fait reculer lentement contre le mur. Sa bouche se pose doucement sur la mienne mais quand un O de surprise me fait ouvrir les lèvres, sa langue s'introduit rageusement sans sommation. Elle inverse les rôles et prend le contrôle total de la situation. J'en suis sonné. Délicieusement sonné. Je la laisse faire, trop heureux de ce retournement complètement imprévu. C'est pas comme si j'avais attendu ça des mois. Je sens mon sang cogner contre mes temps, et vibrer dans mes veines. Elle bloque mes mains derrière mon dos avec autorité et je comprends d'un coup l'excitation qui peut émerger de la soumission. Ce sentiment surpuissant qui permet de se laisser complètement dominer par l'autre et savourer pleinement cet abandon. Et dire que c'est ma douce et timorée Lise qui me le fait découvrir. Nos langues continuent à s'explorer et se redécouvrir l'une l'autre, totalement affamées par ces mois de séparation. Hors d'haleine, Lise suspend un moment le contact pour mieux faire glisser la pointe de sa langue le long de ma mâchoire, redessinant le contour de mon visage avec avidité, avant de venir se reposer telle une plume sur ma bouche. Son front contre le mien, les yeux fermés, elle fait durer l'attente en laissant sa bouche immobile sur la mienne. La tension monte d'un cran, je sens qu'un truc se prépare mais Lise ne m'envoie aucun indice. On est seuls au monde dans cette ruelle mal éclairée, aucun bruit ne vient s'immiscer dans notre bulle, hormis nos respirations saccadées et haletantes. J'entrouvre finalement les lèvres pour l'inciter à reprendre le combat mais elle ne l'entend pas de cette oreille. Ses dents mordent alors d'un coup ma lèvre inférieure si violemment qu'un afflux sanguin part redresser ma queue dans la seconde qui suit pour la mettre au garde à vous, raide comme un piquet. Ses mains se retirent alors des miennes pour venir ouvrir les boutons de ma chemise les uns après les autres. Lentement, très lentement, trop lentement. Chaque centimètre de peau découverte accueille au fur et à mesure les lèvres de Lise jusqu'à ce que le dernier rempart de tissu s'ouvre et soit couvert par une ultime caresse de ses lèvres. Deux centimètres plus bas et c'est ma queue qu'elle va pouvoir gouter si elle continue. Rien que d'y penser, elle s'agite toute seule, comme un chien qui réclame son os.

Mais contre toute attente, Lise ne descend pas plus loin et remonte doucement vers mon visage, caressant au fur et à mesure de son ascension mon torse nu et brûlant du bout de ses doigts. Elle attrape ma main gauche derrière mon dos pour la poser contre son cœur qui bat la chamade et pose sa propre main sur le mien. Qui est comme fou. J'attends. Des sensations inouies éclatent par tous les pores de ma peau, s'insinue dans toutes mes terminaisons nerveuses. Je n'ai toujours pas bougé, totalement soumis à ses décisions. Quand sa bouche retrouve enfin la mienne, j'arrête carrément de respirer. Mais ce baiser ne dure pas. Elle se recule légèrement, plante son regard dans le mien, et me souris, avant de laisser enfin sortir nos premiers mots.

- Alex ... Je suis désolée pour tout... je sais que tu ne comprends pas... Je t'expliquerai peut-être un jour, mais pas ce soir... Ce soir, je peux juste t'offrir ce baiser d'adieu...

Bien évidemment, rien ne sort de ma bouche à moi, mon cerveau refuse d'assimiler ce qu'il vient d'entendre. Et mon corps refuse quant à lui de ne pas pouvoir assouvir ce désir monstrueux et bestial qu'elle vient de libérer en lui.

Quand la porte du club se referme derrière elle, je suis toujours planté au même endroit, j'ai beau savoir qu'elle ne reviendra pas, j'attends quand même comme un con.

Lise  = 1

Alex = 0

Comme si rien n'avait changé ...



Puissance 1 000 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant