Jaques Dubois est un homme simple et généreux. Il n'a ni but, ni rêve particulier, excepté celui de rendre le sourire à sa nouvelle colocataire.
Cora a une vie différente : elle est handicapée. Ayant perdu la vue il y a deux ans dans un accident d...
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POTERIE
La route ne fut pas longue. Il n'y avait pas de bouchon, et la poterie n'était pas loin. Cora avait la tête tournée vers la vitre, on aurait pu croire qu'elle admirait le paysage à travers ses lunettes de soleil si on ignorait son amaurose, mais moi, je savais. Pendant les trajets, qu'ils soient longs ou courts, sa tête roulait mécaniquement vers la vitre, comme si elle espérait revoir les arbres défiler et devenir flous. Un peu plus chaque jour, elle espérait. Je le sentais. La séance se déroulait dans un local loué spécialement par le potier. Étant des habitués, nous avions notre propre espace.
- Salut les jeunes !
Nous saluâmes le potier et j'emmenais Cora dans notre salle. De l'argile était disposée sur la table, a côté de nos outils. Cora posa sa canne sur la table quand elle fut devant et je fis glisser la chaise jusqu'à ce qu'elle touche l'arrière de ses genoux pour qu'elle sente sa présence. Elle se débarrassa de son manteau et de son bonnet que je récupérais pour les mettre sur une chaise un peu plus loi. Elle s'installa convenablement et commença à trier ses outils. J'avais demandé à John de les ranger comme la dernière fois, pour qu'elle puisse s'y retrouver. Elle déballa son argile et la malaxa après l'avoir légèrement aspergée d'eau.
- Tu ne t'assieds pas? Me demanda-t-elle.
- Si, bien sûr.
Je me débarrassais rapidement de ma veste et m'assis à ses côtés.
- Tu sais ce que tu vas faire?
- Je vais essayer de faire une fleur, avouais-je.
Elle gloussa et posa sa boule d'argile face à elle.
- Ne te moque pas de moi. Je suis nul, c'est pas ma faute.
Elle haussa les épaules, un sourire aux lèvres.
- Merci, Jaques. Je sais que tu n'aimes pas spécialement ça, et pourtant à chaque fois tu m'accompagnes.
- Ça me fait plaisir, Crevette. Alors arrête de me remercier pour rien.
Elle tourna la tête vers moi, et ses joues s'empourprent.
- Je voudrais te faire un bisou sur la joue, mais je sais pas où elle est, me dit-elle timidement.
Un sourire niais étira lentement mes lèvres et je me penchais vers elle, assez pour qu'elle sente ma présence. Maladroitement, elle m'embrassa la joue et s'éloigna très vite, comme si je l'avais brûlé.
- Tu piques, se plaint-elle.
Je passais mes doigts sur ma barbe, un sourire rieur aux lèvres. J'allais finir par avoir une crampe aux joues.
- Tu as une barbe comme les hommes des cavernes?
- Non, riais-je. Juste une barbe de quelques jours. Je me rase une fois par semaine.
