A couteaux tirés !

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Malgré ce dimanche après midi sur le thème « pleurs, mouchoirs et les hommes sont tous des pourris », j'arrive lundi au travail bien décidée à mettre au clair cette situation ; je passe devant l'accueil au pas de charge et le visage fermé. Mes collègues ont bien compris que quelque chose ne tournait pas rond mais personne n'ose me demander de quoi il s'agit...et c'est tant mieux car je suis tellement remontée que le premier qui se met en travers de mon chemin va en prendre pour son grade. Et je fais tout pour que ce premier soit mon responsable.

Il ne tarde justement pas à passer le seuil de ma porte avec un grand sourire et fier :

- Bonjour Alice, je suis ravi de vous revoir entière, tout s'est bien passé

En prime, il fait comme si tout allait bien, je vais vite le faire descendre de son nuage

- Bonjour Monsieur, oui tout s'est bien passé, j'ai fait bon voyage et j'ai passé une bonne nuit si vous souhaitez avoir une réponse complète

- Très bien ! vous m'en voyez ravi. Et la ville alors ? le guide ?

Visiblement il n'a pas compris le message. Ce qui m'agace au plus haut point, c'est qu'il fait comme si de rien n'était, on fait copains-copines, je ne supporte pas cette hypocrisie. Je reste glaciale et lui en dit le moins possible pour lui faire comprendre que je ne veux rien partager avec lui, mais il ne se démonte pas et continue sur sa lancée.

- Et cet hôtel ? la chambre ? confortable ?

Son regard en coin me donne envie de vomir. C'est définitif, il me dégoute. Il fait des allusions salaces par rapport à la chambre. J'ai presque envie de lui répondre que j'avais envie de m'envoyer en l'air avec le guide pour couper court à ses rêves les plus dingues mais je ne peux tout de même pas lui parler de la sorte car la c'est la porte assurée. Je décide alors de respirer un bon coup pour garder la tête froide et faire passer le message avec un peu plus de subtilité, si tant est que je me souvienne encore la définition de ce mot

- La chambre était très confortable, un lit immense et une salle de bain magnifique. Tout était parfait sauf vos messages

La définition de subtilité ? Qui a une grande finesse d'esprit...oui alors la pour le coup je n'ai pas été très fine. Il me regarde interloqué par ma remarque. Il semble ne pas du tout comprendre de quoi je parle. Dans un premier temps je suis satisfaite de le mettre mal à l'aise de la sorte mais après les longues secondes d'attente sans mot, je me dis que j'y suis peut être allée un peu fort

- Mes messages ?

- Oui vos messages ! exactement. Ne faites pas comme si vous étiez surpris

- Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez

- Ah oui ? je vais vous rafraichir les idées alors

Je sors alors mon téléphone personnel et lui montre les deux messages auxquels je n'ai pas répondu. Il prend quelques secondes pour les lire et me fixe alors désabusé. Je jubile intérieurement de le déstabiliser ainsi et suis ravie d'enfin prendre une revanche sur ces dernières semaines. Avant même qu'il ne reprenne la parole je continue :

- Toujours aussi surpris ? Vous avez utilisé beaucoup d'information personnelles sur moi dans le but de m'attirer dans vos filets... mais comment savez-vous que mes fleurs préférées sont les lys blanc ?

Il reste sans voix, la bouche ouverte. Je me sens toute puissante et je ne suis pas prête à baisser la garde. Finit l'intimidation, tant pis si je perds ma place, je crois que toutes les questions et le stress que j'ai accumulés jusqu'à maintenant ont pris le contrôle de ma pensée et donc de mes paroles.

- Et vous avez osez venir jusque chez moi ! vous comptiez vous en sortir facilement, mais je vous ai enfin démasqué... Alors ? J'attends vos explications

Mais rien ne vient. J'ai l'impression d'avoir appuyé sur le bouton « arrêt sur image », il est figé telle une statue. Je lui fais un coucou devant les yeux pour qu'il reprenne ses esprits

- Je ne comprends pas de quoi vous parlez. Je ne vous ai jamais envoyé de tels messages. Et je ne suis jamais venu chez vous. Vous délirez à plein tube Alice. Pour qui me prenez-vous ?

- Vous êtes le seul a détenir toutes ces informations sur moi dissimulée dans ce qu'on peut appeler des indices. Alors pourquoi m'avoir envoyé ces messages ? le petit jeu du chat et de la souris et terminé. Maintenant j'attends vos explications, qu'attendez-vous de moi clairement ? me mettre dans votre lit ? Soyez clair

- Je suis désolé mais je n'ai jamais utilisé d'information personnelle pour vous porter préjudice Alice. Vous faites fausse route me répond il calmement

Je crois que je commence à perdre mon sang froid ou plutôt mon assurance. L'éventualité qu'il s'agisse de quelqu'un d'autre ne m'étant absolument pas venue à l'esprit, je m'assois alors abasourdie par ces propos en me disant que je me suis peut être complètement trompée à son sujet.

- Comment être sure qu'il ne s'agisse pas de vous ? je ne connais pas ce numéro et depuis quelques semaines un homme m'envoi des cadeaux et des devinettes depuis que nous avons soit disant passé une soirée inoubliable ...tous les indices que j'ai eu jusqu'à présent font que cette personne ne peut être que vous. Pourquoi niez-vous ?

- Je ne nie pas puisque ce n'est pas moi. Je vous rappelle que je suis votre responsable et que je suis marié

- Ca n'empêche rien

Il joint alors ses deux mains et me dit :

- Puisque je vous dis que ce n'est pas moi Alice. Je n'ai rien à faire de la vie privée de mes employés et si vous ne me croyez pas composez vous-même ce numéro. N'avez-vous pas essayé d'appeler ou de répondre pour demander qui vous harcèle de la sorte ? reprend-il sur un ton plus paternel

- Non je suis persuadée que c'est vous et j'ai préféré ne pas répondre pour ne pas attiser les braises (qui sont dans ton slip => j'ai gardé la fin de cette remarque pour moi car je dépassais clairement les limites du respectable)

- Mon téléphone personnel est la me dit il en agitant son smartphone devant mes yeux. Allez-y, appelez et mettez le haut parleur, vous verrez que mon téléphone ne sonnera pas puisque ce n'est pas moi. Si vous ne souhaitez pas que votre interlocuteur voit votre numéro, composez le #31# avant le numéro

- Vous savez de quoi vous parlez visiblement

Toujours dans mon délire paranoïaque, je compose le numéro et appuie sur la touche haut parleur. Je le toise avec un dédain qui dépasse l'entendement et nous entendons une première sonnerie, mais en effet, rien n'apparait sur son téléphone. Je commence à me décomposer au fur et à mesure des tonalités successives. Les gouttes de transpiration perlent sur mon front tandis qu'il me regarde avec un air satisfait et qu'un sourire diabolique se dessine sur ses lèvres. Sans un bruit, il se lève et quitte la pièce pendant que la dernière sonnerie retentit. A peine a-t-il fermé la porte que le répondeur de mon interlocuteur s'enclenche. Je suis tout à coup plus attentive espérant enfin avoir l'identité exacte de mon maitre chanteur quand j'entends la voix d'une femme :

« Vous êtes sur le répondeur du 06 58 71 23 66. Merci de bien vouloir laisser un message après le bip sonore. Si vous souhaitez le modifier, à la fin du message, tapez sur la touche # »

Je m'effondre en larme, honteuse, dépitée. Je crois que je ne pouvais pas tomber plus bas.


Love trip - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant