Le Sidh - Les héritiers

Chapitre 9 : L'étoile lunaire - Partie III

Selena ne connaissait pratiquement rien de ses parents. Adrian et Mél n'abordaient jamais le sujet. Il les faisait beaucoup souffrir. Elle le savait. Et de ce fait, elle n'en parlait pas non plus. Mais c'était difficile de tout ignorer d'eux. Elle avait tellement d'interrogations. Comment étaient-ils ? Que faisaient-ils dans leur vie ? Comment s'étaient-ils rencontrés ? Elle ne savait même pas à quoi ils ressemblaient. Il n'y avait aucune photo d'eux à la maison. C'était comme s'ils n'avaient jamais existé.

Selena s'agita. Mél avait abordé le sujet. N'était-ce pas le moment de se lancer et de poser une question ? Après tout, c'était la situation idéale. Elle se tritura les doigts et parla doucement :

– Adrian et toi ne parlez jamais de mes parents...

Une lueur triste apparut dans le regard de Mél. Selena se crispa. Elle n'aurait pas dû. Elle savait que ça la blesserait. Elle ouvrit la bouche, prête à couper court la conversation, mais Mél se décida à répondre :

– Parce qu'il y a énormément de choses à dire et que c'est dur d'en parler.

Elle se perdit dans ses pensées quelques instants, puis reprit :

– Il y a quelques années, bien avant ta naissance, j'étais une personne très renfermée. Difficile à vivre. Ta mère avait assez de patience pour me supporter.

Elle sourit :

– Et crois-moi, ce n'était pas facile. C'était une femme d'une grande gentillesse. Et qui possédait une énergie folle. Elle ne tenait jamais en place. Toujours à grimper aux arbres ou sur des collines pour voir ce qu'il y avait derrière.

Mél rit doucement :

– Comme toi, en fait. C'est ce goût pour l'aventure qui lui a permis de rencontrer ton père, Nicola, le frère d'Adrian. Et c'est aussi grâce à ça que tu es ici, avec nous.

Selena ne disait pas un mot. Elle était attentive à chaque détail, à chaque parole. Tout ce qui pourrait l'aider à imaginer ses parents. Quand elle pensait à eux, ce n'était pas des souvenirs qu'elle avait, mais des sensations. Des odeurs. Celles de la forêt, du feu, des fleurs sauvages. Elle ressentait une chaleur familière lorsqu'elle les respirait. Ou lorsqu'elle touchait de la laine ou mangeait des fruits des bois. Et maintenant, grâce à sa fleuriste préférée, elle pouvait enfin avoir des images. Mél ferma la porte de la petite pièce et l'invita à la suivre :

– Viens. Maintenant que tu en parles, j'ai autre chose à te montrer.

Selena marcha sur ses talons à travers le labyrinthe d'étagères. Elles s'arrêtèrent en face de l'une d'entre elles. Mél se hissa sur la pointe des pieds et y attrapa un coffret en bois. Elle souffla dessus pour y ôter la poussière, puis l'ouvrit délicatement. Elle y prit des bouts de papier. Ou plutôt des photos. Quatre. Elle les donna à Selena qui examina la première.

Elle représentait quatre personnes. Selena reconnut Mél et un Adrian beaucoup plus jeune. Ils encadraient tous deux, un couple. La femme était grande et riait aux éclats. Elle avait de beaux cheveux de la couleur des feuilles d'automne. L'une de ses mains reposait sur son ventre rebondi et l'autre était accrochée au bras de l'homme à droite. Il avait les mêmes yeux noirs qu'Adrian. Ses cheveux étaient bruns et bouclés comme ceux de Selena.

– Tu les reconnais ? demanda Mél.

Les yeux de Selena picotèrent et s'humidifièrent. Elle ne les avait jamais vus. Mais son être entier savait :

– Mes parents, murmura-t-elle.

Mél hocha la tête et reprit d'une voix attendrie :