24) A cœur ouvert

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Je m'examine devant le miroir. Mes yeux sont bouffis, cernés de noir et mes joues creusées. Le peu de poids que j'avais réussi à reprendre s'est envolé. J'enserre un bandeau autour de ma tête. Pourquoi ai-je coupé mes cheveux ? Ma nouvelle coiffure n'est pas pratique quand je cours, toujours avec des mèches me collant au visage. Et mes élastiques ne me sont plus d'aucune utilité. Mon maquillage est rangé dans ma trousse de toilette à leur côté. Je fuis mon reflet qui me dégoûte et vais enfiler mes baskets.

Je me suis remise à la course à pied. Ça me calme. Mon esprit se libère quand je foule l'asphalte. L'air frais me déleste du poids de la culpabilité ressentie. Les passants sont troubles sur mon passage. Je ne vois personne, personne ne me voit. Le sport me permet de m'échapper de ce monde et me propulse dans une dimension parallèle où plus rien n'existe.


Affalée sur le canapé, le souffle court et le corps dégoulinant de sueur, je me remémore la conversation que j'ai eue avec ma mère plus tôt dans la journée.


- Tu es sûre que ça va ma chérie ?

Encore et toujours la même question qui obtient inlassablement le même mensonge comme réponse.

- Oui Maman, tout va bien !

- Tu es sûre ? Je te sentais plus en forme il y a quelques temps. Depuis plusieurs jours, j'ai l'impression de te revoir comme avant ton départ.

On a beau faire, une mère sait toujours déceler la vérité des boniments que profère son enfant. Elle, si mère poule, n'est pas dupe de ma tromperie camouflée.

- La porte t'est toujours ouverte, mon cœur. Il serait peut-être temps que tu rentres maintenant. La solitude n'est pas forcément la solution tu sais.

Rentrer maintenant ne m'aiderait en rien. Je suis venue avec des bagages lourds à porter et mon retour en contiendra plus encore. Je ne lui dis rien de tout cela. Ce n'est pas la peine de l'inquiéter sans raison.

- Je suis juste fatiguée Maman, ça va passer. Bon, je dois y aller ou je vais être en retard. Bisous Maman. Embrasse Papa pour moi.

Comme souvent, j'écourte notre dialogue. Elle n'a jamais été pour mon expatriation et ne s'est jamais privée de me le faire savoir. Elle ne cesse de m'inciter à faire marche arrière. Je n'ai pas besoin de cela pour être indécise ces temps-ci.


Joey avait, bien avant les autres, remarqué qu'un changement s'opérait en moi. Mais de là à ce que ma mère s'en aperçoive alors qu'elle est à des milliers de kilomètres d'ici me surprend. Je ne pensais pas être aussi transparente, et encore moins par téléphone.

Il faut que j'aille prendre une douche, je suis toute poisseuse. Mon jogging me colle désagréablement à la peau, mais je ne bouge pas. Je n'en ai pas la force. Mon appartement est si vide depuis que Josh n'y passe plus ses soirées. Je voudrais tant le faire revenir dans ma vie. Mais c'est impossible ! Ce qu'il me demande est ingérable pour moi. JE NE PEUX PAS être avec un autre homme que mon mari ! Oui, il me manque. Oui, j'appréciais notre nouvelle promiscuité, et mon canapé me semble bien trop grand sans lui avec moi dans ses bras. Oui, je regarde désespérément la porte du bar dans l'attente qu'il la passe pendant mon service. Oui, la télé reste éteinte pour être sûre ne pas voir son si beau visage. Oui, je repense sans cesse à l'expression peinée et meurtrie qu'il avait avant de quitter mon appartement. Oui, je me rends bien compte qu'une simple amie ne réagirait pas de la sorte. Mais non, je ne suis pas prête à lui ouvrir mon cœur. Quand il est près de moi ma douleur s'apaise, et mes souvenirs s'éloignent. Et c'est ce qui me dérange le plus. Il n'a pas le droit de les remplacer et il est hors de question que je le lui permette.

LIFE : Survivre (tome 1)Where stories live. Discover now