5) Docteur Laurens

1.3K 214 61
                                    

La nuit a été atroce, remplie de cauchemars plus horribles les uns que les autres. Je me suis réveillée nombre de fois en hurlant. L'infirmière qui me surveillait a été relativement gentille. La patience de cette trentenaire est incroyable. Pendant tout ce temps passé à mon chevet elle m'a réconfortée, a pris sur elle sans rien montrer et en silence en attendant que mes crises d'angoisse passent.

Ce matin, le Docteur Laurens doit venir me voir, savoir si oui ou non je veux commencer une thérapie. Dois-je en entamer une ? Peut-il réellement m'aider ? Mes parents le pensent. La culpabilité me ronge pour leur avoir infligé tant de peine. Il n'empêche que mes idées noires ne me quittent pas, l'envie de retrouver les miens est toujours aussi forte.

Plus besoin de me poser tant des questions, il est là, accoudé à la porte d'entrée, à m'observer à travers ses petites lunettes rondes.

— Bonjour Cassandra, dit-il en venant s'asseoir au pied de mon lit. Avez-vous réfléchi à ma proposition ?

Je baisse les yeux, puis le regarde et incline de nouveau mon regard. Il y a quelque chose en lui qui le rend sympathique ou plutôt abordable mais je ne sais plus où j'en suis, je suis perdue. Je dois le faire, je le sais. Seulement je ne me sens pas prête à lui parler. À lui, ni à personne. Mon monde s'est écroulé, je ne suis que l'ombre de moi-même, incapable de penser intelligemment. Dans mon esprit tournent uniquement les raisons de ma présence ici. Dans mon cœur une cassure s'est faite et annihile toute autre information.

— Faites- moi confiance, ajoute-t-il. Je suis là pour vous aider. Nous irons à votre rythme, sans se presser.

Vraiment ? Je me tourne vers lui fixement. Je ne vois pas comment il pourrait changer quoi que ce soit à mon état. Comment pourrait-il m'apprendre à vivre avec cette peine inqualifiable qui me dévore ? C'est peine perdue !

Pourtant, je finis, à contre cœur, par hocher la tête. Machinalement, sans but précis. Même si ses efforts sont vains, mes parents y verront de l'espoir. Je ne peux pas faire plus.

— C'est très bien, vous prenez la bonne décision. Une infirmière va venir vous chercher.

Il ressort de la pièce en enfonçant les mains dans sa blouse impeccablement repassée.

Je profite du calme avant la tempête. J'inspire et expire pour faire disparaître l'angoisse naissante qui survient. Quelle est l'issue favorable ? Il n'y en a malheureusement aucune ! C'est un fait dévastateur. Il va vouloir me faire parler mais je ne veux pas, ne peux pas. Il faut être honnête, rien ne me ramènera à la sérénité. À quoi tout cela sert-il ? Rendre un certain apaisement à mes parents est-il suffisant ? Il n'y a que pour cette raison quelque peu envisageable que j'accepte et j'espère que ça fonctionnera. Cela libérera peut-être mon esprit déjà trop tourmenté.

Le temps de la torture mentale est terminé, ladite infirmière arrive avec un fauteuil roulant. Elle m'aide d'une main sous mon aisselle pour m'y installer et je grogne de douleur lorsqu'elle remonte ma jambe sur l'appui-pied. Cette douleur est toujours aussi intense et il y a ce maudit bras qui me gêne !

Dans le couloir, les portes grises défilent sur notre passage, contrastant avec le jaune pâle des murs. Je ne pensais pas que cet hôpital était aussi grand. Les blouses blanches s'activent autour de nous. Nous croisons aussi des personnes en larmes, qui se réconfortent tant bien que mal. Une femme, tout particulièrement, fait tourner mon regard dans la direction opposée. Ses hurlements de désespoir font échos aux miens, désormais silencieux. Sa souffrance est insupportable, sa douleur est à son comble. A-t-elle tout comme moi perdu des êtres chers, irremplaçables ? Je ne veux pas en entendre davantage, j'en suis incapable. Je me ferme au monde extérieur en terrant ma tête dans mes épaules, jusqu'au bureau du médecin.

LIFE : Survivre (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant