4) Regrets

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Au milieu du brouillard, j'entrevois des ombres. Je plisse les yeux, j'arrive enfin à les distinguer. Ils sont là, ils sont bien là ! Les trois amours de ma vie sont juste à quelques mètres de moi. La joie de les retrouver emplit tout mon être. Je me mets à courir vers eux avec une énergie nouvelle. Mais, plus je me rapproche, plus ils s'éloignent. Je tends les bras, je veux les rejoindre. Je crie, hurle, supplie qu'ils m'attendent. Je trébuche, relève la tête, le visage inondé de larmes. Ils ont disparu...

Je me réveille en sursaut. Le brouillard a disparu, je ne vois que des murs blancs d'un terne absolu. Mais, quoi ? Comment ? Pourquoi suis-je de nouveau dans cette chambre d'hôpital ? Non ! Je m'agite sur ce lit qui n'est pas mon linceul.

— Madame, vous êtes réveillée, chuchote quelqu'un avec un soupir d'apaisement.

Je tourne la tête vers ce son. Une jeune infirmière se lève de la chaise sur laquelle elle était installée et vient poser sa main sur la mienne, bandée du poignet jusqu'au coude.

— Tout va bien, ne bougez pas, je vais chercher les médecins, affirme-t-elle d'une voix rassurante avant de se précipiter vers le couloir.

Pourquoi m'ont-ils trouvée ? Pourquoi m'ont-ils réanimée ? N'ai-je pas le droit à la délivrance ? Si je veux mourir, ça ne regarde que moi !

Je m'affaisse au fond de mon lit autant que mon corps meurtri me le permet quand deux hommes et l'infirmière entrent dans ma chambre. L'un d'eux s'avance, je peux lire sur sa veste immaculée « chirurgien ». Il s'installe à côté de moi et pose sa main sur la mienne. Pourquoi tout le monde fait-il ça ?

— Madame Briali.

Je ferme les yeux, sous le choc. Ce nom ! Je vais le porter toute ma vie ! Le nom de mon mari, de mes enfants. Chaque fois que je l'entendrai, ça me rappellera un peu plus que je suis veuve et que je ne suis plus mère. C'est impossible de vivre comme ça. Les larmes coulent de nouveau sous mes paupières closes.

— Oh, excusez-moi ! Vous préférez Cassandra ?

Je hoche la tête, c'est trop dur d'entendre le nom de ma famille perdue.

— Très bien Cassandra. Je suis le docteur Bauchart et voici le docteur Laurens, c'est notre psychiatre.

J'ouvre les yeux puis les observe tour à tour sans conviction. Celui qui me parle est grand et mince avec une fossette au menton tandis que l'autre à ses côtés, un peu en retrait, est un petit homme trapu d'une cinquantaine d'années, dégarni et à lunettes.

— C'est moi qui ai pratiqué toutes vos interventions, reprend-il.

Je tourne la tête et ne l'écoute plus. Pour quoi faire d'ailleurs ? Mes yeux sont dans le vague. J'entends juste quelques termes du jargon médical. Hémorragie interne, commotion cérébrale, luxation de l'épaule, plaie ouverte à la jambe,...

Dans mon champ de vision, je vois le petit homme venir se placer juste devant mon visage. Je n'arrive pas à éviter son regard chaleureux.

— Cassandra, je suis le docteur Laurens. Je ne peux en aucun cas imaginer votre peine. Ce que vous venez de vivre... il n'y a pas de mots pour définir votre tragédie.

Au moins une personne qui me comprend ou tout du moins qui essaie ! Je plisse les yeux et l'écoute avec un peu plus d'attention.

— Après vos interventions, le docteur Bauchart a dû vous placer en coma artificiel pour que vous puissiez récupérer plus facilement, la plupart de vos fonctions étant alors au repos, et sans souffrance. Pendant cette période, j'ai vu bon nombre de personnes venir vous rendre visite. Vos beaux-parents, vos amis, et surtout vos parents. Ils ont été présents tous les jours et ont même passé plusieurs nuits ici.

LIFE : Survivre (tome 1)Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora