Chapitre 1

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Quatre mois auparavant

Le volume de la musique au maximum, le couple progressait rapidement sur la route sinueuse à bord de leur vieille camionette. Le sourire au lèvre, la conductrice dansait au rythme de la chanson, imitant un guitariste avec ses mains par-ci par-là. Son mari, quant à lui, chantait fortement les paroles, une bouteille d'eau pour micro.

Ça faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas autant amusés, c'est deux-là. Qu'ils le veuillent ou non, l'âge les rattrapaient et les sorties ou ils pouvaient décrocher du boulot se faisaient beaucoup plus rares. Qui auraient cru qu'un souper d'affaire chez le patron d'Émile finirait en fiesta sur le chemin du retour ?

Il était onze heure environ. La nuit commençait et il faisait très noir dehors, comme la plupart des soirées au mois de février. La voiture des amoureux rigolards étaient seule sur la route enneigée. Tranquillement, elle fraya son chemin vers la campagne, puis la banlieue, les arbres devenant progressivement des maisons.

Ils étaient à quelques minutes de leur maison lorsque la chanson favorite de la femme commença à joué. C'était du pop-rock très rythmé et elle n'hésita pas à monter le son encore un peu. Un sourire radieux ornait son visage. Son mari riait face à sa réaction et la regardait balancer sa tête d'un côté à l'autre, ses cheveux noirs recouvrant un peu son visage clair. Même si elle vieillissait et que des rides prenaient place sur sa peau, il l'avait toujours trouvé aussi ravissante qu'à leur rencontre.

Quelques secondes plus tard, l'homme tourna la tête un peu vers la route. Il plissa les yeux, essayant de distinguer une forme dans l'obscurité. La voiture avançait assez rapidement dans la rue déserte. Soudainement, une silhouette féminine fut éclairée par les fares de l'automobile et l'homme eut à peine le temps de hurler « Marie, attention ! »  à sa femme innattentive qu'un bruit sourd résonna contre le parchoque de la voiture.

Étendu sur le sol, gisait le corps inerte d'une jeune femme. Affolé, le couple appela les urgences. Mais il était trop tard, le corps était sans vie. Marie l'avait tué.

***

Il y a des jours où on doit remettre les cadrans à zéro, faire le point et tout recommencer depuis le début. Pourtant, moi, je n'y arrive pas. Les poussières de mon passé me suivent constamment, refusant d'être balayées. Lorsque je regarde mon père, il m'arrive de me demander comment il a réussi à tourner la page sur cette histoire qui a marqué nos vies. Je lui ai déjà posé subtilement la question alors qu'il regardait sa télé-réalité favorite sur l'écran plat du salon.

« J'y pense chaque jour, Jo. Jamais je n'oublierai ce qui est arrivé, » m'avait-il répondu, ne quittant pas le téléviseur des yeux.

Alors pourquoi, diable, agissait-il comme un homme totalement normal et heureux comme tout le reste du monde ?

On n'a pas arrêté de me dire que le passé se devait de rester dans le passé et qu'il est temps de tourné la page puisque le futur est une toute nouvelle aventure, bla bla bla. J'avais vraiment l'impression d'être incomprise. Ces conseils étaient d'une inutilité incroyable et après quelques temps, je n'écoutais même plus ces personnes consternées qui, me prenant par pitié, se sentaient obligé de m'offrir un discours pour exprimer leurs plus sincères condoléances.

« Marie était une femme extraordinaire. », « Pauvre toi. », « Si je peux faire quelque chose... », « Ça doit être difficile pour toi de vivre tout ça. »

Évidemment, ils me disaient toutes ces choses pour être gentils et je l'appréciais, mais tous les souvenirs qui pouvaient transparaitre de leurs paroles ne faisaient qu'agrandir ma peine. J'essayais le plus possible de m'enlever ces atroces images de ma tête, mais celles-ci me hantaient chaque jour. Même éveillée, j'en faisait des cauchemars. Des images de ma mère, dans la baignoire, de l'eau inondant son visage, sans vie.

Whispers of EvilWhere stories live. Discover now