14) Accrochage

Depuis le début
                                    

— Bon, je pense que c'est suffisant pour aujourd'hui. Au fait, il me semble que vous rentrez bientôt, non ?

Ah c'est vrai, déjà près d'un trimestre que je suis ici !

— Pas le choix ! Cette loi américaine m'oblige à repartir tous les trois mois.

— Et vous savez combien de temps vous resterez chez vos parents ?

Je ne veux pas lui dire que j'hésite encore sur le fait de recommencer l'expérience. On se dit au revoir et je saute dans ma douche.


Le bar est plutôt calme à cette heure. Ça change des soirées. La clientèle de journée se constitue surtout d'ouvriers qui profitent de leur pause déjeuner pour venir décompresser.

Les tables vides sont toutes propres et je me renseigne auprès de Joey sur quoi faire ensuite. Il m'envoie aux toilettes pour un brin de ménage. Et ce n'est pas du luxe, quoiqu'elles sont quand même plus propres que le week-end. Entre les jeunes enivrés et les alcooliques, le vendredi soir est celui où je fronce toujours le nez quand il me faut nettoyer les wc. Je récure les cuvettes et les lavabos, je remets du papier dans les distributeurs. Un petit coup sur le sol et ma tâche est accomplie. De retour dans la salle, j'aperçois mon patron en grande discussion avec un joggeur assis sur un tabouret en face de lui. Je m'approche d'eux derrière le comptoir que je me mets aussitôt à astiquer, encore une fois, pour me donner une contenance.

— Bonjour Beauté !

Cette voix ! Je relève lentement la tête. Je ne suis pas pressée de découvrir le visage qui, je le sais, appartient à « mon emmerdeur du moment ». Mais qu'est ce qu'il fout encore là ? Il n'a pas un tournage ? Il me fixe de son regard arrogant comme à son habitude, avec ce sourire qui n'appartient qu'à lui.

— Bonjour.

Je ne m'éternise pas sur les salutations. Je pars directement débarrasser la table qui vient de se libérer, pendant qu'il reprend la conversation avec son oncle et je file en cuisine avec mon plateau de vaisselle sale. Je ne pensais vraiment pas le voir aujourd'hui. Je le voyais plutôt en oiseau de nuit mais pas en sportif. Je dois admettre que la sueur collée à ses cheveux le rend encore plus sexy qu'il ne l'est en général. Je ne croyais pas ça possible. Non mais qu'est ce que je raconte ? C'est un casse-pieds fini qui ne réfléchit qu'avec la partie de son anatomie rangée dans son pantalon. Et il n'y a vraiment rien de séduisant dans le fait d'être draguée par un mâle en rute.

De retour en salle principale, je m'applique à l'ignorer ouvertement. Après tout, s'il a besoin de quoique ce soit, son oncle est avec lui. Je dois dire que quand Joey est dans les parages, le neveu ne commet aucun impair.

La porte s'ouvre sur un couple et leur enfant. Ils prennent tous trois place à une table. Je leur laisse le temps de parcourir la carte et je vais à leur rencontre.

— Bonjour, bienvenue chez Joey. Vous avez choisi ?

— Alors ce sera un hot dog avec frites, une salade césar, et un croque-monsieur s'il vous plaît.

— Et comme boissons ?

— Trois sodas.

— Je vous apporte ça tout de suite.

Avant de les quitter, je croise le regard de l'enfant. Ses beaux yeux d'un bleu pur m'interpellent. Je m'empresse de rejoindre la cuisine pour cacher mon trouble et je lance leur commande. Je m'adosse à la porte les yeux fermés et prends plusieurs grandes inspirations. L'intensité du regard du petit m'a perturbée, mais je ne veux pas le montrer. A moi de tenir le coup, j'en suis capable.

LIFE : Survivre (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant