5 - Lugan

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— Lycaon...

Cassian toussa et souleva ses paupières avec difficulté. Sa vision était floue. Bien que couvert de peaux de bêtes et à proximité d'un feu dont il entendait le crépitement, il était frigorifié.

— Lycaon, appela-t-il encore.

Les contours de son environnement se firent plus nets. Le vent qui mugissait férocement à l'extérieur faisait trembler les murs. La sinistre chaumière faite de rondins et de pierres se dévoila. Il voulut se redresser sur le lit bancal où il ne pouvait totalement étendre les jambes, mais il criailla de douleur sous l'effort. Passant la main sur son ventre, il sentit un bandage de fortune souillé par du sang coagulé.

Le guerrier était assis sur un tabouret à côté de la grossière cheminée de pierre, l'arbalète posée sur ses genoux et pointée en direction du louvat. Son regard acéré ne le quittait pas.

Quelque chose d'embroché cuisait sur le feu. Cassian reconnut les lièvres qu'il avait chassés. Ainsi, l'homme les avait récupérés sans qu'il y prenne garde. À moins que le souvenir se fût simplement effacé de sa mémoire. Il peinait à se remémorer le combat. Quant à leur courte conversation...

— Tu m'as sauvé... Pourquoi ?

Sans répondre, son inquiétant bienfaiteur détourna la tête en direction de l'âtre. Cassian l'observa à la dérobée. La facture de qualité de ses vêtements, comme son port altier, était propre aux nobles. Ses armes elles-mêmes étaient aussi redoutables qu'ostentatoires : un simple mercenaire n'aurait pu les payer. Sa cape d'un noir profond était doublée et bordée sur le col et les manches de fourrure marron. Les pans rejetés sur les côtés révélaient son pourpoint matelassé et ses chausses d'un rouge foncé.

— D'où viens-tu ? demanda Cassian.

Les yeux noisette de l'homme se reposèrent sur lui. Pas un seul frémissement n'ébranlait son beau visage. Puis, soudain, il parla.

— De Gascogne.

Jusqu'alors, Cassian n'avait pas prêté garde à son accent.

— Je m'appelle Lugan.

— C'est à cause de toi que les villageois m'ont attaqué, l'accusa Cassian.

Son peu loquace interlocuteur ne semblait pas se soucier de ce détail.

— Pourquoi me poursuis-tu ? Que me veux-tu ?

— Quelle arrogance de croire que je te suis. Tu étais sur ma route.

— C'est la meute que tu recherches. Tu crois que je vais te conduire à elle, peut-être ?

— Moi, je réfléchis avant d'ouvrir la bouche. Pour le moment, il n'y a aucune raison pour que tu trahisses les tiens, démon, et j'en ai bien conscience.

— Cassian, corrigea-t-il. Je ne suis pas un démon.

— Non ? Je pensais pourtant que les tiens aimaient ravager les villages et dévorer des innocents...

Cassian hoqueta.

— Quelle horreur ! Mais comment peut-on croire des choses pareilles ?

— Peut-être parce que je les ai vues ?

— Je ne suis pas ainsi.

Lugan plissa les paupières. À l'évidence, l'irritation le gagnait peu à peu.

— Peut-être... Et les tiens ?

— Jamais !

Un sourire cruel étira les lèvres du mortel. Cassian fronça les sourcils et se crispa, prêt à fuir malgré la blessure qui lui irritait les entrailles.

Umbrae Proles 1 : L'héritier du loupDonde viven las historias. Descúbrelo ahora