Umbrae Proles 1 : L'héritier du loup

17 - La confrontation

Lycaon toisa l'humain avec mépris et colère. Malgré la fumée, il discernait l'odeur de Cassian aux alentours, ainsi que celles des mortels qui s'étaient trouvés en ces lieux peu de temps auparavant. Ambroise et Enide, qui inspectaient les environs, réapparurent en secouant la tête lorsqu'il leur jeta un regard interrogateur. Il fit alors craquer ses phalanges, puis, voyant que le chasseur essayait de se relever, l'empoigna par la gorge. Malgré son poids, il décolla le serviteur de l'inquisition du sol. Ses jambes battirent l'air. Il poussa une protestation étranglée et s'agrippa à son bras pour lui faire lâcher prise. Lycaon découvrit ses crocs en grondant. L'arôme du sang fouettait ses narines. Il peinait à prendre sur lui pour ne pas le dépecer sur place.

— Donne-moi une seule bonne raison de te laisser la vie, siffla-t-il.

Lugan entrouvrit les lèvres, mais la poigne de l'alpha était telle qu'il n'arrivait qu'à articuler des borborygmes. Alors qu'il n'aurait jamais cru une telle chose possible, il percevait son aura, sombre, furieuse. Elle l'engluait dans sa haine et lui promettait une mort douloureuse.

— Lâche-le. Il ne peut pas parler, lança une voix féminine.

Lycaon plissa les paupières d'un air dangereux, puis libéra le mortel en ouvrant brusquement sa main. Lugan tomba à ses pieds. Il toussa et aspira l'air glacial par grande goulée tout en crispant une main sur sa poitrine. Puis il releva les yeux sur celle qui avait parlé. Son cœur manqua un battement, et les larmes lui piquèrent les yeux. La jeune femme, postée juste derrière son frère, le considérait d'un air farouche. Elle croisa les bras sur sa poitrine et releva le menton.

— Mirelha, murmura-t-il.

— Je t'interdis d'utiliser ce nom, cracha-t-elle.

— C'est moi, Lugan...

— Je sais, coupa-t-elle. On t'a demandé quelque chose, humain.

Il fut glacé par son regard haineux, qui lui signifiait qu'ils n'appartenaient plus depuis longtemps à la même famille. Mais à quoi s'était-il attendu, au juste ? À des effusions, des embrassades, des pleurs ? Elle savait ce qu'il avait fait durant toutes ces années où le désir de vengeance l'avait consumé. Traquer les êtres surnaturels, les torturer, les massacrer... Il avait pourchassé Cassian, l'avait presque tué. Elle ne pouvait que le craindre et le détester, sans compter que les souvenirs de sa courte existence humaine devaient s'être estompés. Il n'était qu'un inconnu à l'inverse de l'alpha qui l'avait emmenée et transformée.

L'alpha, aussi grand et musclé qu'il se l'était imaginé sous sa forme humaine, se pencha sur lui et l'empoigna par les épaules en enfonçant ses griffes dans sa peau.

— Est-il mort ?

Lugan, plongé dans le désespoir, secoua la tête sans parvenir à parler. Du coin de l'œil, il vit deux autres lycanthropes, des jumeaux, approcher.

— Nous perdons notre temps avec lui, déclara Ambroise.

— De toute manière, il ne trahira jamais son ordre, ajouta Enide.

— Même si nous le torturons. Mais rien ne nous interdit de le torturer quand même...

Lugan resta apathique en écoutant leurs menaces. S'ils voulaient le tuer, il ne chercherait pas à résister. Il avait causé la perte de Cassian, et sa propre sœur le honnissait. Pouvait-on imaginer destin plus pathétique ?

— Pourquoi t'ont-ils laissé derrière eux ? reprit l'alpha. Pourquoi ?!

Lugan le fixa tout d'abord d'un air hébété, puis baissa les yeux sur ses avant-bras. La vue du sang lui rappela comment les chevaliers l'avaient cloué au mur. Et le fait qu'il ignorait toujours comment il s'en était sorti.