27 - Le tourment

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Cassian entrouvrit les paupières, chercha un corps contre lequel se blottir et se redressa brusquement lorsqu'il se rendit compte qu'il n'y avait personne à ses côtés. Il éprouva un vif soulagement en voyant que Lugan était simplement attablé et avait avalé une partie de ce qu'il avait apporté le soir précédent. Il lui sourit, puis se leva pour attiser les braises rougeoyantes et ajouter quelques bûches sèches dans le feu. Cassian quitta le lit pour le rejoindre. Malgré la cheminée, le sol en pierre de la maison était glacial sous ses pieds, et sa peau se hérissa à cause de l'air frais. Lugan passa un bras autour de ses épaules, et le louvat se serra contre lui tout en l'embrassant.

— Tu as dormi ? demanda-t-il.

Il caressa la joue de Lugan et suivit la cicatrice de sa mâchoire du bout des doigts.

— Suffisamment.

Le chasseur tisa une nouvelle fois les braises qui n'en avaient pourtant pas besoin. Il ne voulait pas que Cassian devinât à quel point il était préoccupé, que ce soit en le regardant ou en percevant les émotions dans son aura, car il aurait ensuite à subir à une tempête de questions auxquelles il n'avait pas le droit de répondre. Tous ces secrets lui pesaient, et le pensée d'agir ainsi pour protéger Cassian le réconfortait à peine.

— J'ai du travail, prétendit-il.

Il déposa un baiser sur le front de son amant pour qu'il ne s'imaginât pas qu'il lui battait froid. Cassian lui sourit avec douceur jusqu'à ce qu'il eût quitté la maisonnette. Puis son expression s'assombrit. Il se dirigea vers la vasque en terre cuite, se lava rapidement à l'eau glacée, s'habilla avec célérité et engloutit presque sans mâcher ce qui se trouvait encore sur la table.

Peu importait les efforts de Lugan, il ne pouvait pas prendre à défaut son sixième sens devenu plus affûté depuis qu'il avait accepté cette partie de sa nature. À l'image de son attitude, l'aura de l'ancien chevalier était calme et chaleureuse. En surface, du moins. Cassian avait perçu les remous qui l'obscurcissaient en profondeur. Il avait forcé, juste assez pour se glisser à travers le voile non protégé de ses pensées sans se faire remarquer ; il n'aurait jamais osé une telle chose avec l'un des siens, mais les mortels n'avaient pas conscience de leur propre émanation et de celles des autres, aussi ne savaient-ils pas la protéger. Il n'avait pas plongé assez loin pour accéder à ses souvenirs et aux raisons précises de ses tourments. Le guerrier aurait senti cette présence étrangère, et sa moralité l'en retenait de toute manière. Toutefois, il avait confirmé ses doutes : Lugan lui cachait quelque chose. Lugan complotait avec d'autres et, bien que cela le minait, se refusait à lui en parler.

Cassian sortit dans la rue en inspectant rapidement les alentours. Quelques poules caquetaient non loin, et une odeur de terre mouillée lui caressa les narines. Depuis qu'ils avaient mis un semblant d'ordre dans la gestion des déchets divers et variés, la ville puait bien moins. Pourtant, il peinait à repérer le chemin qu'avait emprunté Lugan. Sa piste se brouillait dans les autres odeurs. Le vent, qui ne pouvait passer les épaisses murailles, ne lui était d'aucun secours. En se métamorphosant en loup, il aurait certainement mieux senti.

Après quelques pas, il aperçut Dalmas aux prises avec un louveteau qui collait son museau à ses haut-de-chausses chaque fois qu'il avançait et qui se couchait au sol l'air ravi chaque fois que le jeune seigneur s'arrêtait pour l'invectiver voix basse. En d'autres circonstances, Cassian se serait amusé du spectacle. L'humeur n'y était pas. Il approcha pour ramasser la boule de poil qui ennuyait tant le blond.

— On a dit pas de transformation dans l'enceinte de la ville.

— Merci, soupira Dalmas avec soulagement.

Umbrae Proles 1 : L'héritier du loupWhere stories live. Discover now