Chapitre onze

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Je restai un bon moment devant le miroir, comme une cruche, à me demander comment il était entré, quand il avait fait ça mais surtout... comment il avait su que je cherchais son prénom avant qu'il ne sache le mien. Et apparemment, il l'a su avant que je ne sache le sien. Une hypothèse : il a fouiné pendant qu'il était là alors que nous étions occupé. Mais tout le monde ici m'appelle Prodigy et je n'ai rien laissé de documents portant mon vrai nom, puisque je me fais souvent de fausses pièces d'identité.

-Aissh, fais chier.

Je coupai l'eau du bain et me déshabillai pour y plonger dedans. Je me détendis mais c'était plutôt difficile, en fait. Evidemment ! J'avais pas effacé la marque sur mon miroir ! Visiblement, la douleur à mon épaule me faiblissait autant dans l'esprit que dans le corps. Je décidai de faire abstraction mais c'était plutôt difficile. Et ça m'énervait encore plus. Pour conserver la vie de mes amis en train de faire le carpin en bas, il valait mieux que je ne descende pas.

Après quelques minutes de musique, je pus enfin trouver la sérénité d'un repos dans un bon bain chaud. Je fermai les yeux quand des cris se firent entendre en bas. Je sortis de la baignoire me séchait à la va-vite et mis un peignoir. Dans la foulée, je m'étais vraiment fait mal à l'épaule et j'espérais que la blessure ne s'était pas rouverte. Je courus dans les escaliers et arrivais en bas, au salon.

-Qu'est-ce qui se passe ?!

-C'est... c'est JeongGuk qui... qui m'a marché sur le pied.

-... ET T'AS BESOIN DE CRIER, PEUT-ETRE ?!

Je jetai un regard noir à TaeHyeong puis me retournai. Mais dans la foulée, j'avais remarqué l'œil inquisiteur de SeokJin. OK. Il avait inventé un mensonge pour cacher quelque chose. Et c'est vrai qu'on ne crie pas comme ça quand quelqu'un nous marche sur le pied, même si l'idiot de service en serait capable. Je décidai de faire comme si de rien n'était et tout en parlant, je fis des gestes à l'adresse de JiMin.

-Je remonte dans ma chambre. Et je ne veux plus le bazar !

Les gestes que j'avais fait à JiMin voulait dire "j'ai compris" et "laisse-moi faire". Je remontai dans ma chambre tout en restant prudente puis retournai mine de rien dans la salle de bain. J'attendis plusieurs minutes et quand je n'entendis rien bouger ni venir, je fermai la porte à clé et m'installai à nouveau dans le bain.

Sauf que la trace sur le miroir n'y était plus.

-J'ai nettoyé.

Je sursautai en bondissant sur le côté mais gémis de douleur dû à mon épaule. Je glissai le long du mur tout en me la retenant alors que l'objet de mes peurs (et de mes crises de nerfs au passage) s'approcha.

-Je voulais pas te faire peur.

-Sérieux ? Déjà, entrer dans la salle de bain d'une fille ça fait un peu voyeur, ducon.

Je le repoussai et sortis de la chambre.

-T'es rentré par où, t'es sorti par où et t'es re-rentré par où ?

-Je pense que tu veux savoir ce que j'ai fait depuis que je suis parti. En fait, je suis resté planquer dans le jardin puis j'ai grimpé facilement jusque ta chambre. J'ai vu une de tes anciennes photos portant ton nom et j'ai décidé de te faire une petite blague puis je me suis caché pour voir ta réa...

Il plaqua sa main sur sa bouche. Non. Ne me dites pas qu'il est resté dans la salle de bain alors que je prenais mon bain, quand même ?

-T'es resté...

-Pro, non, c'est pas...

-dans la...

-Recule, tu fais peur, là...

-salle de bain ?

Il était à présent contre le mur, le visage à quelques centimètres du mien. J'avais ma main à portée de vous savez quoi et en un seul geste, je pouvais les lui arracher et les jeter à la fenêtre pour les donner à manger aux cuis-cuis. 

-T'as déjà ressenti une vive douleur, là ?

Je plaquai ma main sur son entre-jambe, ce qui le fit pousser un gémissement. J'écarquillai les yeux.

-T'as peur ou quoi ?

-Enlève ta main.

-Réponds à ma question.

-Enlève ta main, sinon tu vas le regretter !

-Ah ouais ? Qu'est-ce que tu vas me faire ?

-Non, Pro, non...

Je m'approchai encore plus de lui, décidée de le pousser un peu à bout. Je rapprochai mes lèvres de son oreille gauche et susurrai :

-J'avoue que je ne te comprends plus. Je pensais que tu profitais puis tu nous as aidé. Et là, on dirait que tu as peur de moi. Tu es tellement mystérieux, Suga.

-May...

Oh. pu. tain. Il avait employé une de ses voix graves, que jamais je n'avais entendu jusque-là. Soudain, je dirigeai mon regard vers ma main, toujours sur son entre-jambe. Et cet endroit formait un beau relief qui n'était pas du tout déplaisant. J'enlevai ma main et reculai, alors que lui glissa jusqu'au sol.

-J't'avais prévenu.

Je le fixai pendant un moment, le détaillant avec soin. Il avait les yeux mi-clos et ces derniers portaient une lueur que je ne lui connaissais pas. Sa bouche entre-ouverte laissait passer un souffle court dû au manque de distance précédent (ou autre chose, au choix). Et je ne vous parle pas de la réaction de son corps. Ça me faisait penser à notre deuxième rencontre, quand il était monté sur mon dos dans la salle d'entraînement. Il avait eu la même réaction. Soudain, il sourit avec quelques dents apparentes.

-T'as toujours pas compris, hein ?

-Qu'est-ce que je devrais comprendre ?

Son sourire disparut aussitôt. Puis il se releva. Il fit quelques pas avant de se tourner vers moi, une expression de colère et de déception sur le visage. Je crus même apercevoir de la tristesse.

-Je suis pas bipolaire, de une. De deux, j'ai peut-être fait mon petit joueur mais je voulais un peu te taquiner pour tester tes limites. Et de trois, si je vous ai aidé c'est parce qu'autrefois, j'avais moi aussi une bande. Mais on les a tous tué. TOUS ! Alors je ne veux pas que ça t'arrive aussi à toi. OK ?!

Toujours assise par terre, je n'osai dire un mot.

-Et si je te suis depuis le début c'est pour m'assurer que rien ne t'arrive. Car j'avais autrefois une amie que j'aimais profondément et on l'a tué avant même que je puisse lui dire que je l'aime. Tu lui ressembles beaucoup. Beaucoup trop, même. Au point que je ressens la même chose à ton égard. Avant que tu t'en ailles comme elle, sache que je t'aime, May-Line. Et ce depuis que je t'ai vu la première fois, soit dans le hangar où tu as failli y laisser ta précieuse vie.

Toujours aucun mot n'osait sortir de ma bouche. Et de toute façon, ce serait pour dire quoi ? Le fait que Suga m'avait avoué ses sentiments me faisait prendre conscience que moi aussi, je l'aimais. J'aimais ce genre de mec dur à cuir qui n'avait aucun pitié à la gâchette facile. Comme Suga. J'aimais ce genre de mec qui était froid mais qui dans le fond avait un bon cœur. Comme Suga. J'aimais ce genre de mec qui embrassait avec passion au point de ne plus savoir respirer. Comme Suga qui s'y appliquait en ce moment, me poussant doucement jusqu'à mon lit.

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