[ Chapitre 26 ]

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Deux mois plus tôt.

J'hallucinais.

Elle était ici !
Ma fille unique était venue à moi, ici, dans cette salle de boxe miteuse.
Je l'ai reconnue dès qu'elle a passé la porte.
De grands yeux curieux, des lèvres pleines et souriantes, un visage fin et doux, des cheveux bouclés et soyeux...
Le portrait craché de sa mère.

J'ai réajusté mes lunettes et suis retourné dans mon bureau, titubant.
Lise ne le savait pas et ne le devrait pas.
Wendy non plus.
Wendy...
A l'évocation de ce nom, je voyais un adorable bébé joufflu, dans les bras de Cristal qui le regardait avec amour.

J'avais rencontré cette femme lors d'un cours de danse, en pleine ville.
C'était l'époque où j'étais un jeune homme ambitieux, passionné par la boxe et envieux de tout essayer, de tout connaître.
C'est ainsi que je m'étais retrouvé dans un cours de rock, entouré d'hommes et de femmes riants et bons vivants.

Cristal était de loin la plus gracieuse, la plus douée et la plus belle.
Ses cheveux blonds, à l'époque coupés au carré, attiraient le regard. Ses yeux, son sourire, et tout en elle inspirait l'admiration.

Le jour où nous avions dansé ensemble, quelque chose d'indestructible avait éclot en moi et la lueur qui brillait dans ses yeux m'indiquait qu'il en était tout autant pour elle.
Nous étions tombés amoureux, et comme des adolescents, nous passions notre temps à organiser des rencontres secrètes, ses parents ne voulant pas la voir s'amouracher d'un jeune gars sans avenir.

Un ami nous avait marié sur le toit de son immeuble, en présence de nos amis et de nos cousins.
Jamais je n'avais autant ri.
Et quand je l'ai embrassée, ce jour-là, j'étais persuadé de passer ma vie à ses côtés.
Elle est tombée enceinte et cette nouvelle m'a rendu fou de joie.

Nous avons changé de région et étant majeurs, nous n'avions pas besoin d'une approbation parentale.
Nous nous sommes installés dans un studio minuscule en pleine ville et avons vécu les plus belles années de nos vies.

Chaque jour était un trésor, une source de bonheur intarissable car nous nous aimions inconditionnellement.
Quand Wendy Jeanne naquit, prénom issu de l'adoration de Cristal pour le conte de Peter Pan, elle a apporté à notre quotidien une touche supplémentaire d'amour et de chance.

Et puis Marc Prissera est venu assombrir ce magnifique tableau.
A coups de sourire charmeurs et de charmes à l'usage des parents de Cristal, Marc a attiré la jeune femme dans ses filets.
Bien entendu, elle ne se laissait pas faire par ce jeune politicien fortuné.
Elle refusait ses avances et ses présents somptueux, mais cet homme avait de solides ressources.

Cristal et moi avions de sérieux problèmes de finances et parvenions difficilement à joindre les deux bouts et cela poussa Marc a lui offrir de colossales sommes.
Il travaillait dans la même société que Cristal et eût tôt fait de se dégotter des stratégies.
Marc demanda à un de ses amis de trafiquer une photo de moi, qu'il avait prise un soir.
Je me trouvais accoudé à un bar, riant aux éclats avec un vieux collège.

Il modifia la photo jusqu'à obtenir un résultat parfait, sur lequel je me trouvais plaisantant avec une séduisante jeune femme.
Marc fit circuler la photo dans la ville, jusqu'à ce que Cristal tombe dessus.

Ce fut notre première réelle dispute.
Je me défendais, lui promettait que je ne savais pas comment une telle horreur avait vu le jour.
Son visage plein de larmes me détruisit à un point inimaginable, j'étais dans un état pitoyable.
Mais Marc ne s'arrêta pas là.

Où que je sois, dès que je souriai, j'étais pris en photo et me retrouvai à rire avec une femme.
Au bout du septième cliché trafiqué, Cristal craqua.
Elle prit Wendy, qui n'avait qu'un an, durant la nuit, et quitta notre appartement.

Elle vécut seule un long moment.
Je souffrais au delà de l'imaginable, maudissant encore et encore, Marc Prissera.
J'ai tenté de reconquérir Cristal, de toutes mes forces.
Mais Marc, plus rusé que jamais, me fit comprendre qu'ils vivaient désormais ensemble et étaient heureux avec la petite Wendy.

Anéanti, je me suis renfermé dans la boxe, ai gagné compétition sur compétition, broyait mes adversaires pour faire sortir toute la rage qui m'habitait.

Sauf que Marc avait menti, il ne m'avait pas encore pris Cristal.
Et tandis que je tentais vainement de faire mon deuil, Cristal était seule et attendait peut-être un nouveau signe de ma part.
Mais au bout de deux années, Marc gagna.
Il avait séduit les parents de Cristal à un tel point qu'ils l'idolâtraient.

Et quand Wendy eut trois ans, Marc Prissera épousa Cristal.
Charlie Prissera naquit quelques années plus tard, et sa photo parut dans le journal.

Je suis devenu terriblement solitaire, me battant pour obtenir de quoi me nourrir.
J'avais une nouvelle fille dans mon lit tous les soirs, je fumais comme un pompier et je souffrais indescriptiblement.

J'aurais tant voulu me venger de Marc, d'homme à homme.
Lui faire ravaler ce sourire qui me mettait hors de moi.
Mais il était intouchable.
Il convoitait secrètement le poste de président de la république et était déjà entouré de gardes du corps.

Je me suis assis sur mon bureau et ai respiré profondément.

Ces souvenirs ne me faisaient pas du bien.
De nombreuses polémiques avaient ensuite éclaté sur Marc, qui les avait soigneusement éradiquées de la presse.

Un temps, on entendait que les parents de cette homme politique si influent étaient des monstres, qui haïssaient leurs deux gosses et leur avaient fait passer une enfance atroce au point que la soeur cadette de Marc, Rosemarie, ait fini par se suicider.
Tout ce que je savais était que la tombe de Rosemarie Prissera figurait dans le cimetière de Berga, non loin du club de boxe.

La rumeur la plus courante était celle indiquant que le président de la république serait sous cocaïne depuis une année à présent.
Mais la seule chose dont j'étais sûr était que Marc ne supportait pas que Cristal ne l'aime pas.
Il l'avait épousée car il en était tombé fou amoureux mais ce sentiment n'a jamais été réellement réciproque.
Et j'avais comme l'impression qu'il se vengeait de cet amour impossible sur Wendy.

Ce n'était qu'un pressentiment, mais j'espérais pour lui que c'était faux.

Je suis sorti de mes pensées et ai sorti le roman que j'étais en train de lire.
Ma Wendy avait un énorme potentiel.
Elle avait la rage d'apprendre et je mourais d'envie de la revoir à l'oeuvre.
J'allais l'aider, ah ça oui !

Je commencerais par lui payer quelques cours d'essais.
Et puis je n'allais certainement pas l'inscrire en cours débutant, car le professeur était trop strict.
J'allais l'inscrire dans le niveau supérieur, celui du jeune Élias Arone.
Ah ce gamin, je l'adorais !
Il avait du chien, du cran et était un boxeur hors pair.
Oui, il ferait l'affaire !

J'ai souri et ai levé mes yeux qui commençaient à embuer mes lunettes, au ciel, le remerciant de m'avoir enfin rendu mon enfant.

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J'espère que vous avez aimé ce chapitre !

L'histoire de Wendy commence à se reconstituer, les morceaux du puzzle à se rassembler et je suis navrée si c'est parfois dur à comprendre !

Étonnement, je parviens à garder le rythme d'un chapitre par jour et c'est en grande partie grâce à votre soutien incessant, merci infiniment !

Les vues de Charmes augmentent et ça me rend tellement heureuse !
Encore merci, et merci.

CharmesWhere stories live. Discover now