[ Chapitre 17 ]

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J'ai avancé vers ma fille avec l'allure d'un prédateur. 
Cette idiote était finalement rentrée.
Et elle n'avait pas la moindre idée de la honte, de l'embarras monstrueux qu'elle m'avait infligé.

J'ai attrapé son bras et l'ai relevée sans ménagement.
Aussitôt, la main pâle de ma femme s'est abattue sur mon bras.
Elle pleurait ?! Ridicule ! Elle n'était pas digne de s'afficher au bras d'un dirigeant si elle éclatait en sanglots comme une enfant !

-Lâche-là ! Je veux que tu sortes d'ici ! Sors, Marc, sors ! S'écria-t-elle.

J'ai éclaté de rire, surpris de cette pathétique révolte.

-La ferme, Cristal. Je suis l'homme ici, non ? Alors va plutôt fermer ces rideaux avant que ces braves gens ne nous mitraillent.

Mais ma femme bondit du canapé et posa ses mains autour de mon visage.

-Est-ce que tu t'entends ? Marc, est-ce que tu t'entends ?! Tu n'es pas l'homme que j'ai épousé, qu'en as-tu fait ?

Son regard a transpercé mon âme de part en part. Comment ça ? Mais pour qui se prenait-elle ?!
J'ai attrapé son bras et l'ai attirée à moi contre son gré.
Elle me mettait hors de moi, et ça... ce n'était pas bon du tout.
Cristal savait qu'il ne fallait pas me pousser dans mes retranchements. Elle le savait alors pourquoi diable me tenter ?!
Mes poings se sont serrés autour de son bras.

-Je t'ai offert la vie dont tout le monde rêve, ai-je murmuré. Je t'ai offert une demeure de rêve, des voitures, un compte en banque hallucinant et tu oses te plaindre ! Que veux-tu de plus ? Tu ne mérites pas cette vie, alors contentes-toi de la vivre et de te la fermer.

Toutes les autres fois, Cristal s'était tue, avait baissé la tête et acquiescé avant de sortir de la pièce.
Mais cette lueur qui brillait en ce moment dans ses yeux sombres ne me plaisait pas. Elle savait que ça allait se gâter encore une fois si elle tentait de protester.
Et je doute qu'elle veuille que sa fille chérie assiste à cela.
Ma femme m'a fixé un long moment, tandis que je m'étonnais de plus en plus qu'elle tienne si ardemment.

Puis elle a baissé les yeux et a serré les mâchoires.
Ah tout de même !
Je l'ai lâchée et ai passé ma main sur sa joue qui portait encore les souvenirs de ses larmes.
Elle m'a lancé un regard noir et je me suis tourné. Il était temps que je parle à sa fille.

-Wendy, viens avec moi, ai-je ordonné.

En posant mes yeux sur la gamine, j'ai remarqué un léger changement.
Elle me regardait avec un drôle d'air.
Comme si elle était... épouvantée.
Ses mains étaient aggripées au canapé et elle me fixait, moi, comme si j'étais un étranger.
Wendy.

Une image me revint brusquement.
Une petite fille joufflue qui pleurait dans son lit à barreaux.
Un petit cri qui déchire le coeur et qui pousse à tout donner, à tout offrir à ce petit être paniqué qui vous réclame comme si vous étiez le messie en personne.

J'ai secoué la tête et ai avancé vers Wendy, refusant d'être en retard ce soir. Hors de question de faire attendre Tess une fois encore.
J'ai attrapé Wendy par le bras et l'ait levée, plantant mes iris si clairs dans les siens, la contraignant à baisser les yeux.

-Marc, lâche-là ! Beugla Cristal en s'interposant entre elle et moi.

Je l'ai ignorée et ai amené Wendy dans le couloir.
Elle ne s'y opposait pas, ne protestait pas.
Elle me fixait avec stupeur, avec dégoût.
Et ça m'horripilait.
Pour la première fois, j'ai relevé les yeux, j'ai rompu le contact visuel.
Parce que Cristal avait empoigné sa fille et l'avait écartée de moi.

-JE T'INTERDIS DE LA TOUCHER, COMPRIS ? Rugit-elle avec une voix rauque. Je me chargerai de lui faire la morale, maintenant je veux que tu sortes de cette maison avant que j'aille appeler à l'aide la foule qui se presse devant chez nous !

Elle savait que cet argument allait marcher.
Elle savait que je voulais être un modèle pour mon pays.
Que je voulais être un exemple pour mon peuple.
Et il était hors de question que mes problèmes familiaux entachent cette image.
J'ai lâché Wendy, prodigieusement furieux contre ma femme qui se croyait tout permis.
Je lui lançai un regard reflétant toute la rage qui m'animait et lui annonçant que nous reprendrons cette discussion plus tard, tous les deux.

Comme d'habitude.

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Ce n'était pas mon père.
C'était impossible.
L'homme que je connaissais était, certes, peu présent dans ma vie, mais n'aurait jamais levé la voix sur une femme et encore moins sur ma mère !
Je n'y comprenais plus rien.
Ma mère se comportait comme si... comme si...

Comme si il allait la frapper.

Le temps que je fasse ce constat, le président avait empoigné mon bras.
Je n'arrivais plus à réfléchir.
Toutes les certitudes qui constituaient mon existence s'écroulaient.

-JE T'INTERDIS DE LA TOUCHER, COMPRIS ? A hurlé maman.

Ils parlèrent tandis que j'essayais d'assembler les pièces du puzzle.
Les rôles s'échangaient dans mon esprit.
J'avais l'impression d'être au coeur d'un thriller dans lequel on réalise que le méchant n'est pas celui que l'on soupçonnait.

J'ai monté quatre à quatre les escaliers qui menaient à ma chambre, la tête entre les mains.

-Wendy ?

J'ai relevé le visage aussitôt, reconnaissant cette voix.
Mon bébé !
Charlie passa la tête hors de sa chambre et garda la bouche entrouverte une seconde, stupéfait de me trouver ici.

-TU ES REVENUE ! S'écria-t-il de sa voix suraiguë.

Je me suis baissée et ai pris mon petit frère dans mes bras.
Il pleurait ! Mon bébé pleurait !
J'ai caressé ses boucles d'enfant et l'ai bercé.

-Biro il avait raison. Il avait raison, il disait que tu allais revenir, chuchota-t-il entre deux sanglots.

-Je n'allais sûrement pas t'abandonner, petit pirate.

J'ai refermé mes mains autour de lui en respirant profondément.
Tout arrivait trop vite.
Trop d'urgences hurlaient en moi, réclamant leur importance.
J'ai reposé Charlie par terre et lui ai posé un baiser sur le front.

-Je reviens tout de suite, ai-je assuré.

La petite main de mon frère s'est posé sur mon bras, hésitante.

-Et reviens vite, cette fois.

CharmesWhere stories live. Discover now