[ Chapitre 8 ]

804 61 10
                                    

Quatre jours après le cours de boxe, Lise et moi sommes allées nous promener dans une ville voisine.
J'avais lâché mes cheveux de sorte à ce qu'ils éclipsent mon visage le plus possible et Lise m'avait acheté de fausses lunettes de vue en plastique pour ajouter à mon anonymat.

-Lise, pardonne-moi de te poser cette question mais... Est-ce que tu as des amis ?

La grand-mère souffla sur une coccinelle qui s'était installée au bout de son doigt et me fixa calmement.

-Oui. Mais te les présenter ne serait pas une bonne idée.

-Pourquoi donc ? Si ce n'est pas indiscret bien sûr.

-Non, non... C'est juste que nous sommes de vieilles dames... Avec les idées bien arrêtées vois-tu. Et disons que mes amies ne portent pas la politique de ton papa dans leur cœur. Elles ne l'aiment pas beaucoup, et seraient moins enclines que moi à l'idée de te prendre sous leur aile.

Il y avait donc des personnes sensées dans ce pays ! Des gens qui refusaient de vouer un culte à mon père, quelle bénédiction !
Au bout de quelques pas, nous nous assîmes sur un banc pour bavarder.
D'une poubelle collée au banc, un journal dépassait.
Je l'ai attrapé pour l'ouvrir devant moi, il datait de cette semaine.
Lise se pencha et posa sa main douce sur mon épaule.

-Je ne suis pas sûre que la lecture de ce journal t'apporte beaucoup de choses, Wendy, murmura-t-elle.

Mais j'étais curieuse, trop tard. 
J'eus vite réponse à mes questions silencieuses :  je figurais en première page.
Un portrait de moi qu'avait pris un photographe voilà deux ans, était affiché sur la couverture. Mes cheveux bruns avaient été relevés en un chignon impeccable et mes yeux affichaient un ennui atroce que moi seule savait distinguer.
"Une semaine de recherches acharnées" était le titre écrit en caractères gras sur le haut du quotidien.
Mon cœur se serra davantage quand je découvris toutes les pages qui m'étaient consacrées.
Des témoignages de personnes m'ayant soit-disant aperçue à tel ou tel endroit parsemaient le papier froissé.
Un texte venant apparemment de mon père prenait la moitié d'une page et Lise le lut à voix haute.

- "Nous nous efforçons d'étendre les recherches aussi loin qu'il nous l'est possible. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour retrouver Wendie, même si cela me prend des années."

-Il ont raté mon prénom, ai-je soupiré tristement.

- "Ma famille et moi vivons actuellement une période difficile et je compte sur les médias et sur notre beau pays pour respecter notre vie privée."

Ces mots me troublèrent. D'une part parce qu'ils semblaient si sincères qu'ils me touchèrent... et d'autre part, parce que jamais en dix-sept ans d'existence, je n'avais vu mon père se soucier un tant soit peu de moi. Ces jolis mots ont certainement dû lui être dictés.
Et bien entendu, aucun signe de vie de maman, qui devait certainement être aux anges depuis ma disparition.

-Lise... Je comprendrais si tu ne voulais plus que je restes chez toi. Toute cette histoire va finir par te mettre en danger et je ne veux surtout pas que ça arrive.

La grand-mère me regarda droit dans les yeux, soucieuse.

-Wendy, si jamais quelqu'un vient me chercher des oignons, je lui expliquerai que j'ai trouvé une adolescente seule, paniquée et frigorifiée sur le palier de ma porte. Peu m'importe ce qu'il me dira, s'il a un minimum d'humanité, il comprendra parfaitement.

Lise caressa mes cheveux. Quelques instants de plus et nous répartîmes finir notre promenade.

-Ma grande, j'ai oublié de te dire quelque chose ! S'exclama Lise en choisissant quelques pommes sur un étalage qui finirent dans son petit cabas. J'organise une vente de charité dans une semaine, je vends de vieux vêtements à moi et d'autres bricoles. J'enverrai tous les bénéfices à ma maison de paroisse.

CharmesWhere stories live. Discover now