[ Chapitre 6 ]

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-Je voudrais vraiment y retourner.

Henri hocha la tête avec conviction.

-Crois-moi ou non, tu as du potentiel. Mais il faut le modeler, le polir. Si tu ne frappes qu'avec tes émotions, tu vas juste finir par faire mal à quelqu'un. Il faut que tu organises tes coups, que tu t'entraînes, tout simplement. Et si tu en as envie, il y a des cours débutants tous les mercredis.
Tu pourras donc revenir demain, à quatorze heures, et je t'offre les deux premiers cours, si tu es d'accord bien entendu.

Je jetai un coup d'œil à Lise, réclamant son avis. 

-Si tu en as envie, c'est une excellente idée, ajouta Lise.

J'avais l'intention d'utiliser l'argent que me rapportera la robe pour payer des cours supplémentaires, autant faire des choses inédites jusqu'au bout.
Puis je me sentirais sûrement plus en sécurité en maîtrisant quelques techniques élémentaires de défense.
Je rentrai donc au côté de Lise, déjà pressée de retourner à la salle de boxe.

J'insistai pour dormir sur le canapé, refusant que Lise me cède son lit. Je me sentais déjà considérablement mal à l'aise de m'immiscer dans sa vie sans rien offrir en retour, je ne risquais pas de lui voler sa chambre en plus de ça.
Je me retrouvais donc maintenant, a deux heures du matin, à faire les cent pas dans le salon.
J'avais peur que maman ne me retrouve. Elle avait certainement déjà dû d'envoyer les flics à ma recherche.
Mais je n'avais pas l'intention de rentrer.
Je me suis allongée dans le canapé, enveloppée du pyjama chaud que Lise m'avait acheté, et ai plongé dans un sommeil immédiat, peuplé de gants moites, de cris de joie et d'yeux trop clairs.
Je me sentais vivante pour la première fois de ma vie, et c'était une impression si délicieuse que jamais je ne voulais m'en séparer.

___________

Pierre, m'aida à forcer la porte que Wendy avait verrouillée.
Les invités patientaient toujours dans la salle de réception et j'avais si mal à la tête que je crus soudainement que je ne survivrai pas à cette nuit.
Ma fille, ma Wendy.
J'avais giflé ma petite fille.
Je revoyais son visage en pleurs, la lueur de détresse qui avait brillé dans ses yeux sombres.
Ce n'était pas moi qui aurait osé infliger ça à ma petite fille, c'était une autre femme, une que jamais je n'aurais voulu devenir. Moi, impossible.
Ma tête bourdonnait sans interruption et je serrai les dents pour ne pas laisser échapper un sanglot.
Pourquoi donc Marc n'agissait pas ?! Il fallait qu'il renvoie tous ces honnêtes gens en s'excusant, sans oublier les cadeaux... Et Wendy, oh mon dieu, ma Wendy...
La porte s'ouvrit dans un fracas épouvantable.
Je suis rentrée d'un bond dans la chambre de Wendy, tentant de maintenir le flot de larmes qui menaçait de percer mes yeux épuisés.

Les fenêtres étaient grandes ouvertes, donnant sur la ville.
J'ai poussé un hurlement en courant jusqu'à la fenêtre, épouvantée.
Je me suis baissée, priant le ciel pour ne pas trouver le corps de ma fille disloqué dans l'herbe du jardin.
Mais rien, grâce au ciel, rien d'autre que les fleurs parfaitement entretenues, sans aucune trace de Wendy. 
Je me serais écroulée à terre si Pierre ne m'avait pas retenue.
C'était ma faute, elle avait raison, bien sûr que c'était ma faute.
Oh reviens ma Wendy, reviens.

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Quand je me suis enfin réveillée, le soleil était déjà levé depuis des heures.
Il fallait vraiment que je reprenne un rythme normal.
Mes poings me faisaient souffrir et la faim tiraillait mon ventre, attisée par une odeur de crêpes chaudes.

-Lise ? Bâillai-je.

La tête de la grand-mère se dessina dans l'encadrement de la porte de la cuisine.
Elle avait revêtu une ravissante robe couleur crème et avait attaché ses bouclettes blanches en un chignon lâche.
Elle ressemblait à l'adorable cliché de la grand-mère, aux petits soins pour sa petite-fille.
Bien que je sois toujours gênée de prendre autant de place, je ne pouvais décemment rien contre l'odeur insupportablement alléchante des crêpes.

CharmesWhere stories live. Discover now