[ Chapitre 21 ]

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J'étais prête.
Le nouveau passe temps favori de mon père semblait être de jouer à la poupée avec moi.
Je marchais donc devant Belval, les yeux rivés sur ma jupe plissée d'un bleu marine, sur mes collants opaques et sur mes souliers vernis.

Ma nouvelle habitude consistait à imaginer Élias à mes côtés sans arrêt.
Avec moi lorsque mon père broyait mon bras dans sa main, lorsque maman me saluait faiblement d'un baiser sur le front.

Maman ne savait rien de tout ce que mon père m'infligeait, et c'était bien mieux ainsi.
Elle pensait que j'avais repris mon existence de bourgeoise sans riposter et que son mari vaquait à ses occupations sans se préoccuper de moi.

Mais je refusais de lui avouer la vérité.
Elle souffrait déjà assez à cause de ce fou, et il était hors de question que j'aille me plaindre.

Belval m'ouvrit la porte de la limousine qui patientait devant chez moi et je m'assis en prenant soin de froisser ma jupe le plus possible.
Victor Millepieds... Mon père n'aurait pas pu en choisir un autre ?!
J'ai passé tout le trajet les yeux rivés sur la fenêtre, à maudire mon père et son autorité mal placée.

-Je resterai avec vous tout au long de cette entrevue, annonça Belval.

Je me suis tournée vers lui.

-Arrangez-vous pour l'étrangler si il parle trop.

Un court silence suivit, jusqu'à ce que Belval se penche vers moi, afin que le chauffeur ne nous entende pas.

-Sans vouloir vous paraître indiscret, mademoiselle, je pense au contraire que vous devriez sympathiser au plus avec ce jeune homme.
Cela empêcherait votre père de comprendre... Qu'il y a quelqu'un d'autre, chuchota-t-il.

Mon coeur a raté un bond.
Un autre ?
Belval serait donc au courant de l'existence d'Élias ?
Il a dû remarquer mon air stupéfait car il haussa les épaules pensivement.

-Vous parlez durant votre sommeil. Et j'exécute des rondes de nuit devant votre chambre, m'apprit-il.

Oh génial.
Je réclamai donc Élias durant mon sommeil.
Me sentant rougir, je me suis à nouveau plongée dans la contemplation de la fenêtre.
La limousine s'est arrêtée devant un restaurant bien trop chic et le chauffeur est venu m'ouvrir la portière.
On aurait pu me prendre pour une célébrité mais je n'étais qu'une adolescente sous puissante surveillance.

-Belval, s'il vous plaît ! L'ai-je supplié. Ce type est une véritable ordure !

-Toutes mes excuses, mademoiselle, déclara-t-il en m'ouvrant la porte du restaurant.

Je me suis renfrognée et ai avancé à grands pas.
Des couples entre deux âges causaient autour de belles tables, couvertes par de luxueuses nappes pourpres.
Les dames avaient revêtu leurs plus belles robes et les messieurs jouaient les aristocrates en parlant finance.
Ridicule.

J'agitai ma jupe pour lui donner un aspect encore plus froissé lorsque je me suis heurtée à une table qui n'avait pas crié gare.
Une seule personne était assise, et le ciel voulut que ce soit Victor Millepieds.
Belval retint un rire et Victor me sauta dessus.

-Wendy ! S'écria-t-il d'une épouvantable voix théâtrale. Oh merci vous n'avez rien !

Cette sangsue attrapa mon poignet et m'offrit un baise-main qui faillit avoir une gifle pour réponse.
Mais Belval posa son immense main sur mon épaule et me laissa m'asseoir en marmonnant.

-Je suis enchanté que vous m'ayez proposé cette entrevue, à déclaré Victor avec les yeux charmeurs.

Ah bon ? Parce qu'en plus, mon père avait mis cette fichue invitation à mon nom ?
Ce gros crétin de Millepieds devait être en train de se faire des films...
Je dévisageai le jeune homme, furibonde.
Il avait amené ses cheveux châtains derrière ses oreilles et me regardai avec des étincelles dans les yeux.

CharmesWhere stories live. Discover now