Je lui ai parlé des années heureuses avant que mon père soit élu, voilà trois ans.
De la relation apocalyptique que j'entretenais avec maman.
De Charlie, qui me manquait cruellement.
De Lise, de Mélodie et même d'Élias que je ne comprenais pas.
J'ai parlé jusqu'à la nuit tombée.

La nuit tombée. Oh mince, mince.
J'ai sauté sur mes pieds, paniquée.

-Oh c'est pas vrai, mais c'est pas vrai... ai-je marmonné, déçue de ne pas avoir tenu ma promesse.

J'ai marché à grands pas jusqu'à l'entrée, pétrifiée malgré tout de me trouver dans un cimetière au crépuscule. Si j'étais à l'aise en pleine journée dans ces allées silencieuses, je n'avais jamais testé la promenade macabre nocturne.
J'avais parlé si longtemps ? Bon sang, j'étais vraiment perturbée.
Voilà le genre de situation qui n'arrivait qu'à moi, je ne pouvais vraiment m'en prendre...

Et puis j'ai étouffé une exclamation.

De loin, je l'ai constaté, les grandes portes métalliques étaient fermées.
J'ai couru aussi vite que me le permettaient mes jambes.
Oh non, oh non.

Une pancarte était accrochée sur les portes, comme dans beaucoup de cimetières.

"Le cimetière du village ferme ses portes à dix-huit heures. Visites nocturnes interdites. Si vous vous trouvez à l'intérieur cette heure passée, merci de contacter au plus vite le numéro suivant."

Et mon portable était resté sur mon lit, dans la villa, bien sûr.
Une vague de panique sans précédent s'empara de moi, m'étourdissant.
Je me retournai encore et encore, terrifiée.

Réfléchis, réfléchis, réfléchis.

J'ai posé mes tennis sur un détail de la porte, espérant me hisser jusqu'à au sommet.
Mais comme lors de la descente de la villa, mon pied lâcha et je me retrouvai à terre, avec la tête qui sonnait.
C'est impossible ! Comment peuvent-ils oublier quelqu'un dans un cimetière ? Ne vérifient-ils pas avant de fermer leur fichu portail ?
Je me mis à sangloter, saisie d'une crainte insidieuse qui grimpait jusqu'à ma poitrine.

-S'il vous plaît ? S'IL VOUS PLAÎT ? JE SUIS À L'INTÉRIEUR !

Et pourquoi diable personne ne patrouillait ?! Il ne devait pas être plus de dix-neuf ou vingt heures, ce village était donc complètement désert ?
Jamais encore le soleil ne s'était couché aussi vite.
J'ai multiplié les tentatives d'escalade, rendue folle par l'idée de rester ici toute la nuit.
Tout cela avait des allures de film d'horreur, et j'avais beau faire la dure à cuire, mes genoux tremblaient.

J'ai couru jusqu'au murs d'enceinte cimetière, priant pour trouver une échelle, une prise sur le mur, n'importe quoi.
Je pleurais de terreur, j'en frissonnais, et je répétais oh bon sang, oh bon sang.
Mes mains s'écorchèrent sur une pierre, j'en grimaçai de douleur.
Ce cimetière était si grand qu'il avait des allures de labyrinthe.

Il faisait nuit noire quand je me suis finalement blottie au sol, à l'angle d'un mur.

Je hoquetais sans parvenir à me calmer.
Mes yeux pétrifiés voyaient onduler le paysage sinistre autour de moi et former d'horribles silhouettes qui sortaient des tombes pour s'avancer vers moi. Jamais, de ma vie toute entière, je n'ai été aussi terrifiée. Mon cœur battait si fort qu'il me faisait suffoquer, mes cheveux s'emmêlaient devant mes yeux devenus fous.

Par pitié. Quelqu'un. Par pitié. J'allais mourir, le matin n'arriverait jamais et je me finirai dévorée par les cadavres. Voilà qui m'apprendra à me croire courageuse, tiens.
J'ai enfoui ma tête brûlante entre mes genoux en gémissant.
Je n'ai pas la moindre idée du temps que j'ai passé ainsi, recroquevillée à même le sol, à pleurer toutes les larmes de mon corps.
J'allais mourir, voilà tout. Si ce n'est pas par un phénomène surnaturel, ce serait de peur.

CharmesWhere stories live. Discover now