XVI

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En quelques jours à peine, tuer et massacrer était devenu son quotidien. Toute conscience, toute humanité étaient comme déconnectées.

Marshall avançait, détruisait, au son des détonations et des cris, des pleurs.

Comme avant chaque bataille, quelque chose mourait et s'éteignait en lui, lui permettant d'accomplir ce qui devait être fait.

Et le sergent Marshall était plutôt efficace. Tuer, il savait le faire, il l'avait toujours fait. Rien ne devait changer, il était né soldat et aucune autre vie ne l'attendait au-delà des champs de bataille.

Dans la ville de Verschön, tout était censé se dérouler exactement comme les autres jours. Les ordres de mission étaient les mêmes : ils devaient raser la ville, exterminer tous les habitants.

Et lorsque Marshall tirait, il n'entendait plus les cris de douleur. Pourtant, certains lui suppliaient d'arrêter, d'autres d'épargner leur amant, leur enfant. Pour Marshall, ils n'étaient que des cibles sans visage et tout autour de lui, tout était muet.

C'est pourquoi, lorsqu'il entendit un hurlement déchirant dans son dos, il sursauta violemment.

- Marshall !

Quelqu'un venait de crier son nom. Le son ne provenait pas du communicateur de son armure et il n'avait reconnu la voix d'aucun des soldats faisant partie de son escadron.

Il chancela sous la surprise, manquant de perdre l'équilibre sur le tas de gravats. Soudain, une terrible odeur parvint jusqu'à lui, celle du sang, celle de la mort.

Brusquement, sa respiration s'accéléra et il sentit des sueurs froides perler sur le sommet de son front.

- Marshall !

Il avait beau se retourner en toute vitesse, il ne voyait pas d'où venait le cri. Il ne savait pas à qui appartenait cette voix, elle était lointaine et proche à la fois. Il ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait.

- Marshall !

Cette fois-ci, une silhouette apparut devant lui. Dans sa poitrine, son cœur manqua un battement.

- Bishop ?

- Marshall ! Qu'est-ce que tu fous ? Tu devrais être en train de me chercher dans le désert ! Pas en train de massacrer à nouveau des innocents.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ?

- Ça n'a plus d'importance de toute façon. Je suis déjà mort.

A cet instant, une puissante douleur s'empara de sa poitrine et il fut contraint de s'agenouiller au sol. Marshall tenta de retrouver une respiration normale, mais ses poumons continuaient de manquer cruellement d'air.

- Marshall, tu sais pourtant que j'ai raison. L'armée n'en a rien à faire de toi. Tu n'es qu'un vulgaire pion pour eux. Et toi, tu te forces à tuer et à ressentir de la culpabilité.

Lorsque Marshall releva les yeux, il vit qu'à la place de son frère, c'était à présent Anvil qui se tenait devant lui, l'air inquisiteur.

- Ce n'est pas de la culpabilité ! parvint-il à hurler entre deux respirations.

Anvil eut un petit rire moqueur.

- Mais regarde-toi. Qu'est-ce que tu peux bien représenter ? Tu ne sais même plus bouger ton bras gauche.

Pris d'une panique folle, Marshall se rendit compte qu'Anvil avait raison. Son bras gauche était redevenu inutilisable. A la place, il sentait son membre fantôme pris dans un étau, comme s'il serrait le poing jusqu'à s'en briser les os.

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