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Il avait faim, et soif. Il ne se souvenait plus de la dernière fois qu'il s'était nourri, ou vu la lumière du jour, ou vu un autre être que lui dans ce désert de métal. Tout autour de lui, la poussière lui barrait l'horizon. Une épouvantable odeur de soufre saturait l'air et il n'avait plus son masque pour s'en protéger.

Au début de son exil, il avait voulu survivre, par tous les moyens. Il s'était rattaché à la vie dans un espoir fou de trouver une place dans ce monde. Mais il était bien trop petit, bien trop faible devant l'immensité de sa prison de gravats.

Et aujourd'hui, plusieurs mois plus tard, il était arrivé à la conclusion qu'il allait mourir, là, au milieu des ruines d'un Ancien Monde qu'il n'avait jamais connu et qui n'avait jamais voulu de lui. Il avait été bien sot de croire qu'il pouvait survivre seul.

Las de tout, le corps douloureux, il se laissa choir sur ses genoux. Le reste du corps n'allait pas tarder à suivre. Allongé sur le dos, attendant la mort, il se mit à divaguer. Au-dessus de lui, dans le ciel, volait un grand rapace, faisant battre ses ailes dans l'épaisse brume.

Ils étaient cinq, mais ils n'étaient pas au complet. Certains d'entre eux étaient morts, de maladie ou tués par une main humaine. D'autres étaient partis vers le sud. Ils s'étaient dit adieu sans savoir s'ils allaient se revoir un jour.

Uriel était le plus grand et le plus robuste d'entre eux. Unanimement, il avait également été décidé qu'il serait leur guide.

Le petit groupe marchait vers l'est depuis des semaines déjà. A de nombreuses reprises, ils avaient été ralentis pour accomplir leur mission.

Et aujourd'hui encore, ils auront du travail. Uriel fit un geste de la main et tous se stoppèrent. Au loin, à quelques mètres, gisait un corps parmi les décombres. Le reste du groupe remarqua également sa présence, et dans un consentement silencieux, ils accélérèrent le pas pour s'approcher de leur découverte.

Arrivés à moins d'un mètre, Uriel décèlera et demanda aux autres de le laisser faire. Il ne savait pas ce qui était le plus dangereux, entre les cadavres chargés de gaz de fermentation qui pouvaient explosés à tout moment, ou les vivants devenus fous qui lui sautaient à la gorge. D'un pas prudent, il s'approcha lentement. Il s'agissait d'un homme, il ne devait pas avoir plus de 25 ans et il ne portait pas de masque. Lentement, Uriel souleva son bras et lui retira son gant pour s'assurer qu'il y avait encore du pouls. Il déposa ses doigts sur le poignet de l'homme et patienta. Lorsqu'il sentit un battement faire vibrer ses veines, il tressaillit légèrement. Sentir la vie était toujours quelque chose d'étonnant.

Mais soudain, l'homme gisant au sol bougea, et par expérience, Uriel recula. Mais il semblait bien trop faible pour être pris de folie. Lorsqu'il ouvrit faiblement les yeux, Uriel vit qu'ils étaient bleus. Il pensa d'abord qu'il était aveugle, mais lorsque son regard croisa celui du blessé, il constata que ce dernier le fixait avec intensité.

- Qui es-tu ? demanda Uriel.

L'homme ouvrit légèrement la bouche. Sa peau semblait craquer sous l'effort. Les gazes de la région lui avaient piqué les lèvres jusqu'au sang. Là, il émit un faible étranglement, mais rien qui puisse être compris.

- Je m'appelle Uriel. Tu es en sécurité avec nous. De quel clan ou de quelle faction viens-tu ?

Le blessé semblait totalement conscient, mais emprisonné dans un corps trop douloureux pour qu'il ne soit capable de parler ou de bouger. Pourtant, son bras se mit à trembler faiblement. Puis, d'un geste penaud, il pointa son épaule gauche. Là, Uriel vit qu'un morceau de sa veste lui avait été arraché.

Warhead  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant