Je ne sais pas ce que j'ai imaginé en recevant l'appel mais ce n'était pas Eden. C'était une fille du bar qui me demander de venir chercher Eden.
J'ai pris mes clés sans réfléchir.
La route jusqu'au bar m'a paru interminable.
Quand j'entre, je suis assez surprise qu'il n'y ait personne. Je la vois tout de suite. Au sol complètement recroquevillée, les bras autour de la tête. Marc est à genoux devant elle, impuissant. Il se tourne vers moi dès qu'il m'aperçoit, son regard plein d'une panique qu'il ne sait pas masquer.
— On ne peut pas l'approcher, souffle-t-il. Elle... elle croit qu'on va lui faire du mal.
Je m'avance lentement, ignorant le poids des regards autour. Mon cœur bat trop fort, mais ma voix reste stable.
Je m'accroupis doucement devant Eden. Elle tremble. Ses mains serrent ses oreilles si fort que ses phalanges blanchissent. Ses lèvres bougent à peine, mais les mots, je les entends quand même.
— Eden, C'est moi.
Je sens ma gorge se nouer. Je voudrais lui dire que tout va bien, que je suis là, qu'elle peut respirer. Mais je sais que les mots, dans ces moments-là, ne servent à rien s'ils ne sont pas tenus par une présence.
— Je ne vais pas te touchée d'accord ?
— C'est pas moi... faut pas me toucher...
Alors je parle doucement, presque à voix basse :
— Eden... c'est fini. Vous êtes en sécurité, d'accord ? Je vais rester avec vous.
Elle ne réagit pas. Son corps reste tendu, rigide, comme prêt à se défendre.
Je retiens mon souffle un instant, puis je me décide à m'approcher un peu plus. Son visage est pâle, couvert de larmes séchées. Ses yeux sont ouverts, mais absents, perdus dans un endroit où je ne peux pas la suivre.
Je pose mes mains sur le sol, à quelques centimètres d'elle. Elle s'effondre tout entière, comme si son corps avait décidé à sa place. Je la tire pour qu'elle soit mieux installé. Son souffle heurte ma clavicule, saccadé. Je la maintiens contre moi sans bouger.
Quand elle finit par s'assoupir, la tête appuyée contre moi, j'échange un regard avec Marc. Il hoche la tête, visiblement soulagé.
— Je vais la raccompagner, dis-je simplement.
Il ne proteste pas.
Je me lève avec précaution, la soutenant comme je peux. Elle est légère, beaucoup trop légère. Je glisse mon manteau autour d'elle, et ensemble, nous sortons dans la nuit.
L'air froid me fouette le visage. Eden dort à moitié, ou fait semblant. Ses doigts se crispent parfois sur ma manche.
Je la dépose à l'arrière de la voiture, referme doucement la portière, puis reste un moment immobile, les mains sur le volant.
Je me sens vidée. Coupable, aussi.
Parce que je l'ai entraînée dans tout ça le travail, la pression, les exigences. Et maintenant, elle s'effondre.
Je démarre. La ville défile, les lampadaires passent comme des battements de cœur réguliers.
Dans le rétroviseur, son visage est paisible.
Arrive à la maison, je la monte jusqu'à ma chambre, les bras serrés autour d'elle. Son corps est léger, presque absent.
Je la dépose sur le lit avec précaution. Son visage est pâle, les cils collés par les larmes.
Je cherche son téléphone dans la poche de son manteau. L'écran s'allume, la photo d'arrière-plan m'arrache un pincement au cœur : un cliché banal d'elle et de ses amis, mais son sourire paraît presque étranger. Je compose un message rapide à "Noah" :
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L'hypothèse interdite
De TodoEden, brillante étudiante en sciences, fait face à sa professeure madame Belmont. Entre elles, une tension invisible et dangereuse s'installe, tissée de secrets et d'interdits. Jusqu'où pourront-elles aller sans tout compromettre ?
