L'hypothèse interdite

~ Eden ~

Le soleil descend lentement derrière les bâtiments quand on sort enfin du lycée. Le parking est encore plein, traversé par les rires, les bruits de portières, les éclats de voix. Je suis avec le groupe, un peu à l'écart, sac sur l'épaule. Julia, comme toujours, s'est collée à moi. Son menton repose sur mon épaule, ses bras légèrement appuyés contre les miens.

— Ce soir, on change un peu, dit-elle. Il y a un bar dans le centre, ils passent de la bonne musique, et apparemment y'a des nouveaux cocktails.

Je souris à moitié, sans trop y croire.

— Tu sais que j'aime bien le nôtre.

— Justement, on y va tout le temps, soupire-t-elle. Un peu de nouveauté, ça ne te ferait pas de mal.

— Peut-être. Mais j'aime mes habitudes.

Elle rit doucement, relève la tête, et croise mon regard avec un air de défi.

— Tes habitudes sont ennuyeuses.

Noah intervient aussitôt, son ton plus calme.

— Sinon on peut faire autre chose ?

— Toi t'as juste pas envie de sortir, le taquine Julia.

— Non, j'ai pas envie de laisser Eden toute seule, répond-elle sans détour.

Je tourne les yeux vers elle, un peu gênée.

— Je ne suis pas une enfant, Noah. Tu peux y aller si je ne suis pas là.

— Je sais, dit-elle avec un demi-sourire. Mais t'es crevée, ça se voit.

Julia hausse les épaules.

— Justement, un peu de monde, de musique, ça lui ferait du bien.

Je ferme les yeux un instant. Je n'ai pas envie d'y aller, mais je n'ai pas envie de passer pour la rabat-joie du groupe non plus. En plus j'ai promis à Noah de faire attention.

— Bon... d'accord. Mais juste une fois.

Julia sourit, triomphante.

— Parfait.

Noah soupire, résignée, puis lâche un petit rire.

— Très bien.

Je hoche la tête, amusée malgré moi. On se met à marcher vers la sortie, les sacs qui battent contre nos jambes, les conversations qui s'entrecroisent.

— On se retrouve chez moi dans une heure et demie ? propose Julia.

— Ça marche, répond Noah.

Je souris faiblement.

Noah file dans la salle de bain en chantonnant. J'entends l'eau couler, les tiroirs s'ouvrir. Moi, je reste assise sur mon lit, à fixer l'armoire sans vraiment savoir quoi mettre. J'ai pas la tête à ça.

Quand elle ressort, elle parle déjà de la soirée, de la musique, de sa tenue. Je hoche vaguement la tête, puis mon téléphone vibre sur la table de chevet.

Un message. Numéro inconnu.
Mais je reconnais tout de suite la façon d'écrire.

Madame Belmont.

« J'ai changé d'avis, Morel. Soyez prête à 19h, je viens vous chercher chez vous. J'ai besoin de faire un point. Prenez vos affaires. »

— Eden ? Tu m'écoutes ?

La voix de Noah me parvient à peine. J'ai la gorge sèche. J'essaie de respirer, mais rien ne vient.