L'hypothèse interdite

~ Eden ~

Je sors enfin de la salle. La porte se referme doucement derrière moi, et je ne me rends pas compte que j'ai encore ce sourire accroché aux lèvres. Timide presque maladroit. Noah est déjà là, plantée dans le couloir, les bras croisés et le pied qui tape contre le sol comme si elle avait attendu depuis des heures. Ses yeux brillants se braquent aussitôt sur moi.

— Alors ?!

Je baisse les yeux, les joues en feu.

— Elle... elle a juste dit que j'avais bien réussi mon oral et que le sujet n'était pas facile.

Noah hausse un sourcil, pas convaincue une seconde.

— Juste ça ? Eden, t'es restée dix minutes là-dedans. Il s'est passé quoi, en vrai ?

Je secoue la tête, un peu gênée, triturant la sangle de mon sac.

— Rien de plus. Elle m'a félicitée, et... elle m'a dit que je devais revoir mon élocution.

Noah soupire, théâtrale, roulant des yeux comme si je venais de lui gâcher la révélation du siècle.

— Franchement, t'abuses. Même pas un détail croustillant ? Genre elle t'a juste dit ça ?

Je ne peux pas m'empêcher de sourire un peu plus, en secouant la tête.

— Oui elle m'a dit que ça ! Est-ce vraiment étonnant ?

À ce moment-là, Leandro arrive, ses écouteurs encore autour du cou, son sourire moqueur déjà en place.

— Quelle déception, dit-il d'un ton faussement dramatique. J'étais prêt pour un récit palpitant, moi.

Je ris malgré moi, baissant la tête pour cacher mes joues trop rouges. Noah croise les bras encore plus fort, feignant un air vexé.

— Pff... tu sais pas raconter, Eden.

Leandro éclate franchement de rire en nous voyant toutes les deux, ce qui me fait rire à mon tour. Pour un instant, la tension de la journée s'efface, remplacée par ce petit éclat de légèreté.

On quitte le bâtiment ensemble, le soleil tombe déjà, traînant une lumière dorée sur les murs. Je serre les bretelles de mon sac un peu trop fort. Chaque pas me demande une concentration étrange, parce que mes mains ne cessent de trembler. Vingt-quatre heures. Vingt-quatre heures que je n'ai pas bu...

Noah me lance un regard en coin, attentive comme toujours.

— Tu vas bien ?

Je relève la tête.

— Oui. Bien sûr.

Mes doigts se crispent dans ma poche, cherchant à disparaître. Je force un sourire, celui qui sonne faux mais que je sais tenir assez longtemps pour qu'on me laisse tranquille.

Leandro, lui, ne remarque rien. Ou fait semblant. Il a cette manière légère de remplir le silence.

— Eh, ça vous dit une sortie ? On pourrait se faire une soirée.

J'ai à peine le temps de réfléchir que ma voix sort toute seule :

— Oui !

J'ai peut être répondu un peu trop vite. Noah se tourne vers moi, les yeux plissés, pas dupe une seconde.

— T'es sûre ?

— Oui, soufflé-je, cherchant son regard. Promis, je vais faire attention.

J'aperçois son hésitation, mais je lui offre encore ce sourire plus doux cette fois, plus rassurant.

Leandro, ravi de mon enthousiasme, claque des mains.