Je reste immobile, les yeux rivés au plafond fissuré, comme si je pouvais m'y perdre pour oublier le reste. Des pas se rapproche de ma porte. Puis, la voix se glisse à travers le bois.
— C'est moi, madame Belmont. Ouvrez-moi, mademoiselle Morel.
Mon sang se glace. Je m'arrête net de respirer, comme si l'air lui-même allait me trahir. Mes yeux se détachent du plafond, mes muscles se raidissent, et malgré moi je me redresse, dans un mouvement sec mais silencieux.
Je reste là, figée, attendant... priant presque.
Puis les pas s'éloignent enfin.
Je rouvre brutalement la bouche, avalant une goulée d'air douloureuse. Mon cœur bat encore trop vite. Les larmes, que je croyais taries, reviennent aussitôt. Rien que cette voix, ce timbre... ça me ramène là où je ne veux pas être.
Je cache mon visage dans l'oreiller, incapable de retenir mes sanglots. Et à force de pleurer, vidée, je finis par m'endormir malgré moi.
Quand mes yeux se rouvrent, la chambre est plongée dans l'obscurité. La nuit est déjà tombée. Un silence lourd règne autour de moi.
Je me redresse lentement, le cœur battant encore trop vite. Mes pieds touchent le sol froid. Je m'approche de la porte et colle mon oreille contre le bois, retenant mon souffle. Rien. Aucun bruit. Pas un éclat de voix, pas un pas. Leandro et Noah ne sont pas là, ou alors ils dorment.
Je déverrouille doucement, la clé tournant dans un cliquetis minuscule que je redoute trop sonore. J'attends, tendue. Toujours rien. Alors j'entrouvre la porte, juste assez pour glisser ma tête dans le couloir.
À gauche, la salle de bain. Pas de lumière filtrant sous la porte. Un soulagement discret me traverse. Je peux y aller.
Je sors de ma chambre à pas feutrés, mon dos frôlant presque le mur, comme si j'essayais de me fondre dans l'ombre. Une seconde plus tard, je me glisse dans la salle de bain et referme derrière moi.
J'arrache mes vêtements, les laissant tomber au sol, puis ouvre l'eau brûlante. La vapeur envahit la pièce en un instant. Quand je passe sous le jet, mes muscles se détendent aussitôt. L'eau chaude glisse sur ma peau, lave le froid, la peur, et l'odeur de renfermé qui s'accroche à moi depuis trop longtemps.
Je reste là, immobile, à laisser l'eau couler comme si elle pouvait tout effacer. Puis, quand mes forces me quittent, je coupe le robinet.
Je m'enroule dans une serviette, la chaleur emprisonnée contre moi. Un pas après l'autre, je regagne ma chambre. Je m'habille rapidement, j'opte pour un jean décontracté, un pull et je n'oublie pas de mettre un teeshirt cette fois là.
Je ressors de ma chambre, la serviette encore humide dans mon sac. Je prends mes clés, verrouille la porte d'entrée et descends les escaliers sans bruit. Dehors, l'air est froid, presque coupant. Les rues sont sombres, désertes à cette heure. Ça ne me dérange pas. Je marche vite, les mains enfoncées dans les poches, le regard accroché au trottoir.
Le bar n'est pas loin. Quand j'entre, la chaleur m'enveloppe, saturée d'alcool et de tabac froid. J'ignore la piste de danse, les rires, les regards. Je vais droit au comptoir.
Marc est là, fidèle à sa place. Il m'accueille d'un signe de tête, mais je vois son expression déjà lasse. Comme depuis un mois, il tente de négocier. « Pas plus d'un verres ce soir, Eden. » Sa voix est presque suppliante. Mais je ne réponds pas.
Il souffle, résigné, et me sert mon premier verre. J'avale à petites gorgées, sans quitter le comptoir. Je reste ancrée ici, incapable d'aller plus loin, incapable de fuir ailleurs.
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L'hypothèse interdite
De TodoEden, brillante étudiante en sciences, fait face à sa professeure madame Belmont. Entre elles, une tension invisible et dangereuse s'installe, tissée de secrets et d'interdits. Jusqu'où pourront-elles aller sans tout compromettre ?
