•~{12}~• Menace

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Le rideau vient tout juste de tomber à Taipei. Les cris de la foule résonnent encore dans mes tympans, puissants, électrisants, mais mon corps lui, commence à protester. Chaque pas vers les coulisses est une lutte silencieuse.
Je m’efforce de ne pas boiter. Jamais devant eux.

Les membres d’EXO me rattrapent, survoltés par la performance. Jongdae me passe un bras autour des épaules avec un large sourire.

Encore un concert parfait grâce à toi, boss.
C’est vous qui l’avez rendu parfait, je souffle, mi-sincère mi-épuisée.

Je ris avec eux, mais je sens déjà ma cheville gauche pulser sous ma jambe, comme si elle m’avertissait que je tire trop. Encore.

Tu tiens debout ? me murmure Jongin à l’oreille, assez bas pour que personne d’autre n’entende.

Je hoche la tête, trop têtue pour admettre que la douleur est plus vive ce soir.

Dans le couloir, alors que les garçons vont se changer, je m’autorise un moment de solitude. Je m’appuie légèrement contre le mur. Un battement. Deux. Ma respiration est plus courte que je ne le pensais.

Mon téléphone vibre.
Takumi.
Trois messages.

> 1. URGENT. Regarde ça dès que possible.
2. On a un problème avec l’élève Sora.
3. Vidéo jointe.

Je déverrouille, l’estomac un peu noué. Je connais ce ton. Ce n’est pas du stress. C’est du sérieux.

Je m’isole dans la loge des danseurs, vide pour l’instant. Je m’assieds sur le canapé, les jambes enfin reposées. Et je lance la vidéo.

Sora.
Au centre de la salle principale.
Droite. Calme. Précise.

Elle dirige trois autres danseurs avec une aisance presque insolente. Les mouvements sont rapides, maîtrisés… mais ce n’est pas ma chorégraphie. Ou plutôt : c’est une version modifiée. Plus rapide. Plus agressive. Plus “moderne”.

Puis elle parle à la caméra.

“Ly’s Entertainment doit suivre l’air du temps. La danse évolue. Les méthodes aussi. Ce qu’on attend de nous aujourd’hui, c’est plus qu’une reproduction : c’est une révolution.”

Elle se tourne légèrement vers son groupe, comme pour souligner la transition.

"Il est peut-être temps que la nouvelle génération prenne la tête.”

Ma respiration se bloque un instant.

C’est clair.
Elle parle de moi.
Elle parle contre moi.

Takumi a joint un message écrit :

Elle a publié ça sur notre intranet. Beaucoup d’élèves et quelques profs l’ont partagé. Certains la soutiennent ouvertement.

Je reste assise, le téléphone dans les mains. Figée.

Elle n’est même pas encore diplômée, et déjà, elle lance une offensive publique. Elle ne cache pas son intention. Elle ne veut pas être remarquée, elle veut prendre ma place. À la vue de tous.

Je me lève brusquement, fais quelques pas. Ma jambe tire, me rappelle à l’ordre. Je grogne en silence. Je ferme les yeux.

Je repense à mes débuts.
À cette salle de danse où je me suis effondrée, ma cheville tordue à l’envers. Aux médecins. À SM Entertainment qui m’a dit « Ce sera compliqué ». À mon rêve qui s’est effondré en une fraction de seconde.
Et à cette foutue décision : continuer à danser. Même sans avenir officiel. Même sans scène.

J’ai tout reconstruit. De mes mains. Avec ma rage, mes larmes, ma volonté.
Et elle ose…

Je rouvre les yeux.

Pas ici. Pas maintenant.

Quelques heures plus tard, après les interviews, les remerciements, le retour à l’hôtel… Je suis enfin seule sur la terrasse de ma chambre. La ville en contrebas bourdonne de vie. Moi, je suis vide.

J’ai répondu à Takumi plus tôt. Un message court, professionnel. “Merci. Garde un œil. N’agis pas sans moi.” Mais au fond, j’étais glacée.

J’entends la porte de la terrasse coulisser. Jongin.

Il s’avance lentement, un sweat noir sur les épaules.

Je te cherchais, dit-il simplement.

Je souris à moitié, fatiguée.

Je n’étais pas loin.

Il ne me demande rien. Il s’assied à mes côtés, le regard posé sur la ville. Comme si sa simple présence suffisait.

Et en vérité… ce soir, c’est peut-être tout ce dont j’ai besoin.

Tu sais… dit-il soudain, la voix plus grave que d’habitude,
Si un jour t’as envie de me parler de ce qui te pèse, je suis là.

Je le regarde. Il ne bouge pas. Il fixe les lumières en bas. Mais ses mots frappent juste. Ils ne demandent rien, mais ils offrent tout.

Je n’ai pas la force de lui dire ce que j’ai vu. Pas encore.
Mais je laisse ma main glisser lentement contre la sienne. Juste un contact.

Et il ne bouge pas.

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Kai x reader [Behind the Spotlight]Where stories live. Discover now