Part 19 - L'Autre

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Le lendemain, c'est mon jour de repos. Il est presque seize heures, mais je reste dans mon lit à fixer le plafond.

— Lève-toi, Elena.

Katy me tire par le bras.

— Arrête, Kat, je ne suis pas d'humeur.

— Tu vas tout louper.

— Louper quoi ?

— Bah ta fête !

— Je vous ai déjà dit que je détestais fêter mon anniversaire.

— On dira qu'on fête autre chose. Viens, on a une surprise.

— Je déteste aussi les surprises.

— Pas celle-là, je te promets, mère-grand !

Je déteste quand elle m'appelle comme ça, mais cela suffit pour que je me lève. Je me force à me doucher, à m'habiller et à me maquiller. Je me fais une tresse et l'enroule autour de mon crâne. Comme il fait assez chaud, je choisis une robe courte blanche et une veste en daim camel.

Katy et Julia m'emmènent dans un bar que l'on connaît bien. J'y fais des extras quelquefois et je suis devenue amie avec le patron, Cédric. Je crois qu'il en pince pour Julia et il nous offre souvent nos consommations. C'est un bar très moderne, la décoration est dans les tons taupe et beiges, j'adore.

Il y a pas mal de copains, dont Charles, qui est devenu un de mes meilleurs amis, Paul, Carlos, mais aussi Luc, qui me prend dans ses bras.

— Ça fait un bail, El, et tu es toujours aussi belle.

— Merci, Luc, dis-je en rougissant.

Ça me fait toujours un pincement au cœur de le voir. On s'était un peu perdus de vue. Il a trouvé une copine dans sa fac. Elle est plus grande que lui, elle fait du basket. Leur couple est atypique, mais ils ont l'air heureux.

Julia me prend par la main et me demande de fermer les yeux. Je ne peux pas m'empêcher de ronchonner. Elle me dirige vers un coin du bar et me fait pivoter sur moi-même. Je l'entends crier :

— Trois, deux, un, ouvre les yeux.

« Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire ! »

Ils chantent tous et ça me gonfle le cœur de voir tant de monde près de moi. Mes yeux s'humidifient et un grand sourire se dessine sur mes lèvres.

Mes amis s'écartent et laissent passer le gâteau apporté par...

— Éric ! dis-je dans un souffle.

Il est plus mignon que dans mes souvenirs. On s'était souvent parlé au téléphone après notre départ de Barcelone, mais le temps et la distance avaient eu raison de notre fragile relation. Le voir m'émeut plus que cela n'aurait dû. À la fin de la chanson, je souffle une bougie unique et il m'embrasse sur la joue délicatement.

Après les nombreux applaudissements, les remerciements et l'ouverture des cadeaux, je rejoins Éric au bar.

— Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandé-je avec curiosité.

— C'est ton anniversaire, non ?

— Arrête de me faire marcher. Tu n'as pas traversé toute la France rien que pour venir boire un coup ici.

Il sourit.

— En fait, je me spécialise dans l'architecture moderne et l'école qui m'intéresse se trouve sur Paris. Techniquement, j'aurais dû arriver dans trois semaines, mais Carlos m'a parlé de ton anniversaire et je n'ai pas pu résister à l'envie de venir plus tôt.

Ça me touche vraiment. Je le regarde comme il y a trois ans, comme le mec dont j'aurais pu tomber amoureuse.

— Tu m'as manqué, Elena.

Il me caresse la joue et je frissonne. Il est toujours aussi fascinant. Il me raconte ses trois dernières années. La fac, les succès, les échecs, ses rencontres, ses deux dernières histoires d'amour. Il n'a rien à cacher.

Je rigole, je compatis et rigole encore. Avec lui, il y a toujours une leçon à tirer de chaque chose, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Le tout est de ne pas s'attarder sur le moins bon. Je l'écoute parler sans me lasser, et cela durant deux heures sans que je voie le temps passer.

— Bon, Elena, assez parlé de moi. Je sais que tu fais exprès d'écouter attentivement les autres pour ne pas avoir à parler de toi, me dit-il d'un air malicieux.

— Tu es très perspicace ! Écoute, tout roule pour moi...

— Pinnnn, réponse bateau. Try again.

— Quoi ? m'exclamé-je, tout sourire. Eh bien, je vais plutôt pas mal, j'ai de bons résultats et j'entre en master manager commercial et marketing.

— C'est mieux, mais encore ?

— Encore quoi ?

— Un amoureux ?

Je sens le rouge me monter aux joues, je n'ai pas vraiment l'habitude de parler de ça. Le plus souvent parce qu'il n'y a rien à raconter.

— Je n'en ai pas.

Nada, niet, que tchi, walou ? me demande-t-il, visiblement très étonné.

Je rigole.

— RAS, mon colonel.

Il se gratte le menton d'un air songeur.

— Il va falloir remédier à cela, mademoiselle Lopez. Et très vite (son regard s'attarde sur ma bouche et je rougis de plus belle), mais je dois y aller. Ce sera pour une prochaine fois, dit-il en regardant derrière moi.

Je me retourne et vois Carlos qui l'attend devant la sortie. Je suis un peu déçue qu'il parte si tôt mais je m'écarte pour le laisser passer.

— Ravie de t'avoir revu, Éric.

— Tout le plaisir a été pour moi.

Cette fois, il ne m'embrasse pas. Il marche en direction de Carlos, se retourne et me sourit avant de quitter le bar.

Juste après son départ, Julia arrive à mes côtés.

— Je vois qu'il te fait de l'effet, notre cher Éric.

— Je ne sais pas, je l'aime bien, dis-je simplement.

— El, il est temps que tu déverrouilles ton cœur et que tu y laisses entrer quelqu'un à nouveau. Ils ne sont pas tous comme « lui », mais je suis sûre que certains peuvent te faire autant de bien et surtout moins de mal.

Elle passe un bras sur mon épaule et nous regardons, à travers la baie vitrée du bar, Éric et Carlos monter dans un taxi.

Peut-être qu'il est temps,oui. Il est temps de penser à moi. Et de l'oublier, lui.    

I Hate U Love Me - Saison 1 (BLACKMOON éditions Hachette)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant