Part 5 - Brûlée

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Ce lundi matin, je me prépare rapidement pour aller au lycée. Je me regarde dans la grande glace une dernière fois. J'ai dix-neuf ans dans quelques semaines et pourtant ma chambre est restée figée au goût de mon enfance. Comme exemple, mon éternel fond d'écran « Coldplay » sur mon PC allumé de jour comme de nuit, les nombreuses peluches que j'adorais au-dessus de l'armoire, les bouteilles de parfum vides qu'il m'arrive encore de sentir, les mots de mes amies dans la boîte à chaussures cachées sous mon lit. Cette pièce n'est pas à l'image d'une jeune femme censée se marier bientôt.

J'examine encore mon reflet, mes baskets, mon slim roulotté sur mes chevilles, mon T-shirt blanc qui dépasse d'un pull légèrement cropped bleu marine. Rien d'exceptionnel. Rien de très mature. Je place mon cartable Eastpak gris sur mes épaules. Un basic, rien de très féminin quand je compare les grands cabas des filles plus populaires du lycée. Les filles qui sortent avec Fares.

Je grimace. Penser à lui me dérange, penser aux filles qu'il se tape me déplaît aussi. Pourquoi ? Bon sang, je n'en ai pas la moindre idée.

Un étrange malaise s'infiltre en moi. J'ai toujours eu l'impression d'avoir grandi après les autres, d'avoir joué à la poupée plus longtemps. Je suis consciente qu'il me manque ce quelque chose pour parfaire le rôle d'épouse. Le rôle pour lequel j'ai dit oui. Peut-être que c'est la dernière étape pour me sentir vraiment femme. J'ai hâte de grandir pour de bon.

Quand j'arrive à l'entrée du lycée ce matin, je passe devant les grands peupliers et m'interdis de regarder du côté fumeurs. Je trace ma route, tête baissée, quand Katy m'interpelle :

— El !

Je m'arrête et l'attends. Je froisse mon nez, elle sent la cigarette.

— C'est bon, tu as choisi ta fac ?

— Oui, ce sera l'ESCP.

Un grand sourire se dessine sur son visage.

— Super ! On sera presque à côté l'une de l'autre. On pourra même prendre une chambre sur le campus avec Julia.

Julia a un an de plus que nous. Elle a déjà ses deux semestres en poche. Elle a choisi la branche juridique et Katy suit le même chemin. Par chance, la résidence universitaire regroupe les deux écoles.

— Je n'y avais pas pensé, mais ça peut être une bonne idée.

Mes parents habitent en banlieue parisienne. Je peux prendre le train puis le métro, mais suite à mon introspection de ce matin, ma soif d'indépendance est plus tenace que jamais et être en résidence sur le campus est un bon compromis.

— Énorme ! Toutes les trois, unies pour le pire, mais surtout pour le meilleur !

— Tu es folle.

— Oui, je le veux !

— Arrête... dis-je en levant les yeux au ciel.

— Non, mais tu nous vois, toutes les trois ? On va s'éclater ! À côté, il y a la fac de sport en plus ! (Elle mime une longue-vue avec ses mains.) Ah ! BG en vue. Ah ! Ici aussi. Tiens, là, juste devant moi ! Rhhhaaa, il y en aura partout ! On n'aura que l'embarras du choix !

— Tu dis n'importe quoi, avoir l'embarras du choix ne s'applique pas à moi. Tu le sais.

— Attends ma poule, tu as la bague au doigt, mais pas encore la corde au cou.

Elle me fait un clin d'œil exagéré tout en passant son bras sous le mien. Elle m'entraîne jusqu'à l'entrée du bâtiment A. Je ne retiens pas mon sourire, emportée par son enthousiasme très communicatif. Je souris toujours quand mon regard rencontre celui de Fares un peu plus loin. Il me regarde ? Vraiment ? Il est adossé au mur de l'enceinte, le pied également contre. Je devais baisser les yeux mais je n'y arrive pas. Mon cœur s'emballe pour des raisons que j'ignore. Fares a l'attitude du mec cool, que sa tignasse noire décoiffée vient parachever. La main dans la poche, son sac de cours retenu au bout de son bras ballant, il échange avec une fille aux cheveux longs et brillants. Il ne sourit pas. Il ferme simplement les yeux en fronçant les sourcils avant de les rouvrir sur elle comme s'il ne m'avait pas vue. Et pourtant, je jurerais qu'il me regardait.

I Hate U Love Me - Saison 1 (BLACKMOON éditions Hachette)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant