Cette nuit-là, Aily n’arriva toujours pas à trouver le sommeil. Elle restait allongée, le pendentif de Kaelen autour de son cou, réfléchissant à leur dernier échange. Elle se revoyait glisser le bracelet autour de son poignet, ressentant encore la chaleur de sa main contre la sienne.
Le lendemain, elle se leva tôt, déterminée à honorer la promesse qu’elle lui avait faite : prendre soin d’elle-même et ne pas se laisser écraser par les circonstances.
Elle passa la journée à aider les villageois, mais ses pensées revenaient toujours à Kaelen. En fin d’après-midi, alors qu’elle rentrait chez elle, elle croisa Liora, qui semblait plus préoccupée que d’habitude.
— « Aily », l’appela Liora en l’apercevant. « Puis-je te parler un moment ? »
Aily sentit l’urgence dans sa voix et hocha la tête. Elles s’éloignèrent un peu du centre du village pour discuter en privé.
— « Je sais que tu est proche de Kaelen », commença Liora, hésitante.
— « Oui, et alors ? » répondit Aily, intriguée.
Liora détourna le regard, visiblement mal à l’aise.
— « Cette lettre… Kaelen me l’a confiée avant son départ. Elle était censée te revenir si… s’il ne revenait pas de la guerre, » murmura Liora, sa voix tremblante.
Aily sentit son cœur se serrer. Elle prit le parchemin avec des mains légèrement tremblantes, incapable de détourner le regard.
— « Pourquoi me la donner maintenant ? » demanda-t-elle d’une voix presque inaudible.
Liora sourit faiblement.
— « Parce qu’il est encore en vie, et que je pense qu’il mérite que tu connaisses ses véritables sentiments. C’est à toi de décider quoi faire de ces mots. »
Aily hésita un instant, puis déplia lentement la lettre. Chaque pli semblait contenir un morceau du cœur de Kaelen. Elle inspira profondément avant de la lire.
Aily,
Si tu lis cette lettre, cela signifie que je ne suis plus là pour te parler directement. Je déteste l’idée de te laisser affronter ce monde sans avoir tenu ma promesse de revenir. Mais parfois, nos vies prennent un chemin que nous ne pouvons pas contrôler.
Je sais que tu n’aimes pas penser au pire, mais je devais m’assurer que tu saches certaines choses, quoi qu’il arrive.
Je n’aurais jamais pensé écrire ces mots, et encore moins te les confier. Mais il y a des choses que je ne peux pas garder pour moi, même si cela me terrifie de te les dire.
Depuis que je t’ai rencontrée, tu as été une lumière dans ma vie, un espoir auquel je ne croyais plus. Avant toi, je vivais dans l’ombre de ce que je n’étais pas : un fils légitime, un homme digne de son nom. J’ai toujours été un secret, un être de peu de valeur pour ceux qui auraient dû m’aimer. Mais toi, tu m’as offert quelque chose de plus précieux que tout : la sensation d’exister pleinement, simplement en étant moi.
Aily, tu es plus forte que tu ne le crois, même si tu doutes, même si la peur te submerge parfois. Ce que j’ai vu en toi, c’est une force silencieuse, une empathie qui transforme tout ce qu’elle touche. N’oublie jamais cela. Ne laisse personne éteindre cette flamme en toi, pas même le chagrin de perdre quelqu’un que tu aimais.
Je dois te dire quelque chose que je n’ai jamais eu le courage d’exprimer de vive voix. Je t’aime, Aily. Pas d’une manière qui exige quoi que ce soit de toi, mais d’un amour pur et sincère, qui transcende même le temps ou la distance. Je t’aime pour la personne que tu es, pour la lumière que tu apportes dans ce monde sombre. Et même si je ne peux plus être à tes côtés, sache que cet amour est à toi, pour toujours.
Je regrette seulement de ne pas avoir eu plus de temps avec toi. J’aurais voulu te voir sourire encore, t’entendre rire, sentir ta présence à mes côtés. Mais si je ne suis plus là, je veux que tu vives pour nous deux. Que tu continues à être cette femme forte et brillante qui peut changer les choses autour d’elle. Je veux que tu trouves le bonheur, même si ce n’est pas avec moi.
Garde cette chaîne avec toi. C’est un morceau de moi, un souvenir de tout ce que nous avons partagé et de tout ce que nous aurions pu devenir.
Aily, sois courageuse. Et surtout, n’oublie jamais que tu es aimée, profondément et sincèrement.
À jamais à toi,
Kaelen
Liora posa une main sur son épaule.
— « Parfois, on a besoin d’entendre ce que les autres n’osent pas dire. Kaelen t’a écrit cette lettre pour te protéger de la douleur s’il venait à disparaître. Mais il mérite que tu saches à quel point il tient à toi, même s’il n’a pas encore eu le courage de te le dire en face. »
Aily baissa les yeux sur le collier en cuir à son poignet. Elle n’avait jamais imaginé que ce simple geste portait autant de signification. Un mélange de chaleur et de confusion envahit son esprit, mais au fond d’elle, une nouvelle certitude s’ancra : Kaelen voyait en elle quelque chose de précieux, et cela suffisait à illuminer les doutes qu’elle portait en elle.
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Le soleil déclinait lentement sur le village d’Hasgard, teintant le ciel de nuances dorées et carmin. Aily, assise sur la petite colline surplombant les champs, observait l’horizon, une main distraite caressant la chaîne de cuir que Kaelen lui avait laissée avant de partir en relisant la lettre pour la troisième fois. Cela fesait que quelque jours qu'il avait rejoint les troupes du roi, et chaque jour sans nouvelles s'étirait douloureusement.
Elle savait que penser à lui ne servait à rien, que son absence était une réalité inéluctable, mais elle ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'il revienne sain et sauf.
Liora, qui l’avait accompagnée jusque-là, s’assit à ses côtés.
— « Tu as réfléchi à ce que cette lettre signifie ? » demanda doucement Liora, brisant le silence.
Aily hocha lentement la tête.
— « Il… il m’a confié des sentiments que je n’aurais jamais imaginés. Je ne sais pas quoi faire de tout ça. Je ne sais pas si je mérite une telle confiance. »
Liora posa une main réconfortante sur son épaule.
— « Kaelen n’a jamais été du genre à ouvrir son cœur si facilement. Si ces mots sont pour toi, c’est parce qu’il te voit telle que tu es, Aily. Et crois-moi, tu les mérites. »
Un soupir s’échappa des lèvres d’Aily.
— « Il est là-bas, en train de risquer sa vie, et moi, je suis ici, à douter. » Elle tourna la tête vers Liora, une lueur d’inquiétude dans le regard. « Et s’il ne revient pas ? Et si cette lettre était la seule chose qu’il me reste de lui ? »
Liora serra un peu plus son épaule.
— « Alors ne laisse pas ces mots s’éteindre. Garde-les vivants en toi. Et lorsqu’il reviendra, dis-lui ce que tu ressens, toi aussi. Ne fais pas la même erreur que tant d’autres. »
Plus tard, seule dans sa chambre, Aily s’allongea sur son lit, la lettre posée sur son ventre, la chaîne en cuir enroulée autour de ses doigts. Les mots de Kaelen résonnaient encore dans sa tête.
Elle se remémora leurs derniers moments ensemble, juste avant son départ. Il n’avait rien laissé transparaître de ses véritables sentiments, se contentant d’un sourire et d’un bref au revoir. Elle s’en voulait désormais de ne pas avoir su voir au-delà.
« Je ne lui ai rien dit… » pensa-t-elle, le cœur serré.
Elle serra la chaîne à son poignet, comme pour puiser un peu de courage dans ce lien tangible avec lui.
— « Je te retrouverai, Kaelen, » murmura-t-elle pour elle-même. « Et cette fois, je ne garderai rien pour moi. »
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Derrière ton visage
Historical FictionDans le royaume d'Hasgard, Aily a grandi cachée par son père, loin des regards. Animée par un désir ardent de justice, elle est prête à tout pour défendre son village et dénoncer les actes tyranniques du roi Hasgard d'Odall. Mais sa rencontre inatte...
