Les flammes léchaient les murs de pierre du village.
Aily retenait son souffle, cachée derrière un chariot, ses yeux rivés sur les soldats du roi qui fouillaient chaque maison. La « justice royale », disait-on... Mais où était la justice, quand son peuple mourait de faim et qu'à la moindre récolte, tout leur était arraché ?
Tout près, une vieille femme trébucha, un maigre baluchon dans les bras. Elle croisa le regard d'Aily, ses yeux emplis de peur, mais aussi d'une lassitude ancienne, comme un écho de la douleur partagée par tout le village.
- Ils ne prendront pas tout, cette fois... murmura-t-elle d'une voix brisée avant de disparaître dans l'obscurité.
Aily sentit la colère l'envahir. Les mots de son père lui revinrent en mémoire, soufflés des années plus tôt, après une autre nuit semblable :
- Souviens-toi, Aily. Les vrais monstres ne sont pas ceux qui brandissent des épées, mais ceux qui volent l'espoir.
Autrefois, son village avait été prospère, avant que le roi Roderic n'impose ses taxes cruelles. Désormais, chaque saison apportait son lot de famine, chaque nuit une nouvelle descente des soldats.
Ils ne prendront pas tout cette fois.
Avec cette pensée, Aily tourna les talons pou se faufiler dans une ruelle déserte pour éviter d'attirer l'attention des soldats, Aily sentit une présence derrière elle. Un bruit lourd, suivi d'une voix rauque, la fit se retourner.
"Eh, mademoiselle..." Un homme en uniforme se tenait dans l'ombre d'une porte, ses yeux glissant sur elle de façon menaçante. "Tu as l'air bien perdue, toute seule par ici."
Aily sentit un frisson glacé parcourir son dos. Elle se resserra contre la paroi de la ruelle, prête à fuir, mais l'homme s'avança, son regard glissant sur son corps d'une manière terriblement familière. Il n'était pas là pour protéger. Il était là pour l'approcher.
"Je... je dois rejoindre mon père," répondit-elle, sa voix tremblante, son cœur battant à toute vitesse.
Le soldat sourit de manière perverse, ses yeux se plongeant plus profondément dans les siens.
"Ah, ton père... je ne crois pas qu'il sera d'une grande aide." Il avança encore, et elle se sentit piégée. "Pas quand je me serai bien amusé avec toi."
Aily recula brusquement, son cœur battant plus fort. Elle chercha une issue, mais la ruelle se resserrait autour d'elle. Le soldat s'approchait dangereusement.
"Lâchez-moi !" cria-t-elle en vain, mais l'homme l'attrapa par le bras, la forçant contre le mur de la ruelle. Son sourire se fit plus cruel.
Elle se débattait, mais il était trop fort. Ses gestes étaient lents, mais pleins de malice. Aily pouvait à peine respirer, prise dans un étau de terreur.
C'est alors qu'un bruit sourd, suivi d'un cri, fit soudainement éclipser la scène de violence. Avant même qu'elle n'ait eu le temps de réagir, une silhouette se précipita vers elle, saisissant le soldat par l'épaule et le jetant au sol avec une force impressionnante.
"Lâche-la, enfoiré !" La voix était grave, autoritaire, pleine de menace.
Aily tourna les yeux, stupéfaite. Un homme grand, aux cheveux sombres, aux traits durs, se tenait devant elle, épée à la main, sa posture implacable. L'homme qu'il venait de désarmer gisait maintenant à terre, grognant de douleur.
"C'est bon, ça va." La voix de l'homme était calme, mais pleine de force. Il se tourna vers elle. "Il ne te fera plus de mal."
Derrière lui, une autre silhouette s'approcha rapidement. Une femme, blonde, avec des yeux vifs et une expression de détermination inscrite sur son visage.
"Tu vas bien ?" La femme posa une main rassurante sur l'épaule d'Aily, ses yeux se posant sur elle avec une lueur inquiète.
"Qui... qui êtes-vous ?" Aily balbutia, son souffle court, encore sous le choc.
L'homme aux cheveux sombres s'approcha d'elle, un regard protecteur dans les yeux. "Tu peux nous faire confiance. On ne va pas te laisser seule."
"Je suis Liora," dit la femme, un sourire rapide mais sincère sur ses lèvres. "Et lui, c'est Kaelen.
Aily tremblait encore, son souffle court, les yeux rivés sur le corps inerte du garde à terre. La lame de Kaelen brillait d'un éclat sinistre sous la lumière vacillante des flammes. Liora, à ses côtés, posa doucement une main sur l'épaule d'Aily.
- Ça va aller, souffla Liora, son regard doux mais déterminé.
Aily hocha la tête, mais ses jambes semblaient prêtes à céder. Kaelen rangea son épée et s'approcha d'elles.
- On ne peut pas rester ici, dit-il d'une voix ferme. D'autres soldats vont arriver. Suivez-moi.
Aily hésita un instant. Elle ne connaissait pas ces deux personnes. Pourtant, quelque chose dans leur attitude, dans la façon dont ils l'avaient protégée, lui inspirait confiance.
- Pourquoi m'avez-vous aidée ? demanda-t-elle en suivant Kaelen à travers les ruelles obscures.
- Parce que personne ne mérite ce que ces monstres font subir à ce village, répondit Liora, le visage durci par la colère.
Kaelen jeta un regard par-dessus son épaule.
- Et parce que nous ne sommes pas du côté du roi, ajouta-t-il.
Aily sentit une lueur d'espoir naître en elle. Peut-être qu'elle n'était pas seule dans cette lutte. Peut-être que d'autres partageaient sa haine envers la tyrannie du roi Arnwald.
Soudain, des bruits de pas retentirent au loin. Des soldats. Kaelen s'arrêta net, tendant l'oreille.
- Par ici, murmura-t-il, les guidant vers une vieille grange à moitié en ruine.
À l'intérieur, l'air sentait le foin humide. Liora referma la porte derrière eux, retenant son souffle. Les soldats passèrent sans s'arrêter, leurs torches projetant des ombres menaçantes à travers les interstices des planches.
- Vous allez me dire qui vous êtes ? chuchota Aily.
Kaelen échangea un regard avec Liora avant de répondre.
- Je m'appelle Kaelen. Et voici Liora. Nous faisons partie de ceux qui refusent de se soumettre à la royauté.
Aily sentit son cœur s'emballer. Des rebelles ? Jusqu'à présent, elle n'avait entendu parler que de rumeurs, de murmures d'un mouvement de résistance clandestin.
- Vous êtes... des résistants ? demanda-t-elle, la voix tremblante.
Liora sourit, un éclat de défi dans les yeux.
- On peut dire ça. Mais nous ne sommes pas seuls. D'autres villages se soulèvent. Le moment est venu de renverser le roi.
Kaelen s'approcha d'Aily, son regard perçant.
- Mais avant cela, il faut sortir d'ici vivants.
Aily sentit une flamme s'allumer en elle. Pour la première fois depuis longtemps, elle sentit l'espoir renaître. Peut-être que le combat ne faisait que commencer.
YOU ARE READING
Derrière ton visage
Historical FictionDans le royaume d'Hasgard, Aily a grandi cachée par son père, loin des regards. Animée par un désir ardent de justice, elle est prête à tout pour défendre son village et dénoncer les actes tyranniques du roi Hasgard d'Odall. Mais sa rencontre inatte...
