Derrière ton visage

‡~~~°~~~‡Chapitre 10‡~~~°~~~‡

Hector tourna son regard sur Kaelen, et la tension entre eux se fit immédiatement palpable. Il n'aimait pas voir sa fille en compagnie de quelqu'un d'aussi proche du monde de la royauté, quelqu'un qui représentait tout ce qu'il détestait. Son regard perça celui de Kaelen, et une vague d'irritation apparut brièvement sur son visage.

"Je crois qu'il est temps pour nous de partir, Aily," dit Hector, sa voix n'ayant pas perdu de sa gravité. "Le bal est presque terminé, on se lève tôt demain, et je n'aime pas te voir traîner avec... des gens comme lui."

Aily sentit son cœur se serrer sous la pression des mots de son père. Elle ne savait pas ce qui la dérangeait le plus : la dureté de ses paroles ou la manière dont il rejetait Kaelen sans même chercher à le connaître. Elle jeta un dernier regard à Kaelen, incertaine de ce qu'elle ressentait. Le jeune homme ne dit rien, mais ses yeux exprimaient une légère déception, comme si cette rencontre avait déjà pris fin avant qu'elle ne commence réellement.

"Je... J'arrive," dit Aily finalement, le regard baissé, se sentant coupable malgré elle. Elle savait que son père avait raison sur certains points, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une étrange attirance pour cet homme énigmatique et son monde de secrets.

"Bonne nuit, Kaelen," murmura-t-elle avant de tourner les talons pour suivre son père. Elle espérait qu'il comprendrait que son départ n'était pas un rejet, mais simplement une obligation imposée par son père. Le son de leurs pas résonna dans le couloir, tandis qu'Aily suivait Hector hors de la salle, son cœur un peu lourd.

Kaelen resta là, silencieux, les yeux fixés sur elle, comme s'il se demandait si ce qu'ils venaient de vivre était réellement terminé. La soirée se terminait pour eux, mais peut-être pas pour tout le monde.

Un instant après, un léger bruit de pas se fit entendre derrière lui. Liora, qui venait de quitter la piste de danse, s'approcha doucement de Kaelen. Ses yeux cherchaient Aily, mais elle n'était plus là.

"Tu vas bien ?" demanda Liora, remarquant l'expression de Kaelen, un mélange de frustration et de contemplation.

Kaelen tourna la tête vers elle, son regard s'adoucissant à la vue de sa meilleure amie. "Oui... c'était juste... compliqué," répondit-il, son ton moins assuré que d'habitude.

Liora le fixa un moment, puis soupira doucement. "Je sais que tu penses à elle. Mais ce n'est pas seulement ça, n'est-ce pas ?"

Il détourna les yeux, cherchant ses mots. "Non. Mon père veut m'envoyer en guerre." Sa voix était calme, mais la tension était palpable.

Liora fronça les sourcils, la surprise et l'inquiétude se mêlant sur son visage. "Encore ? Il vient à peine de te ramener... Il ne te laisse jamais de répit."

Kaelen haussa les épaules, un sourire amer aux lèvres. "Pour lui, c'est ma place. Là-bas, sur le champ de bataille. Il pense que c'est le seul moyen de prouver ma valeur... ou de m'éloigner d'ici."

Liora posa une main réconfortante sur son bras. "Il te teste. Il veut te contrôler, te briser, mais tu n'es pas comme lui. Tu vaux tellement plus que ces batailles insensées."

Kaelen laissa échapper un rire sans joie. "Je sais. Mais parfois, je me demande si je ne suis pas déjà pris au piège. Quoi que je fasse, je reste un pion sur son échiquier."

Liora secoua la tête, déterminée. "Tu n'es pas seul, Kaelen. Tu as des gens qui croient en toi. Et peut-être qu'un jour, tu trouveras une raison de te battre qui ne sera pas imposée par lui."

Il la regarda, reconnaissant. "Merci, Liora. Ça fait du bien de l'entendre."

Après un moment, Liora prit une profonde inspiration, comme si elle se préparait à livrer un secret lourd de conséquences.

"Kaelen..." commença-t-elle, sa voix tremblante. Il tourna la tête vers elle, intrigué et inquiet. "Il y a quelque chose que je dois te dire, quelque chose que je n'ai jamais partagé avec personne."

Kaelen s'arrêta, ses yeux devenant plus attentifs, pressentant l'importance de ses mots. "Tu peux me dire ce que tu veux, tu sais bien."

Liora baissa les yeux, son visage marqué par une douleur qu'elle tentait de cacher. "Je suis enceinte," avoua-t-elle enfin, les mots pesant lourdement dans l'air.

Kaelen la regarda, stupéfait. "Mais... qui est le père ?"

Elle se mordit la lèvre, cherchant ses mots. "C'était un homme du village, un garde... il m'avait promis qu'il reviendrait me chercher. Mais... il m'a abandonnée." Elle s'interrompit, les larmes montant à ses yeux. "Il a disparu. Un jour, il a quitté, et depuis, je n'ai plus eu de nouvelles de lui. Peut-être qu'il est parti avec une autre femme, ou peut-être qu'il est mort... je ne sais rien."

Kaelen resta silencieux un moment, son regard durci par la colère. "Il t'a abandonnée ? Il t'a laissée seule, enceinte, sans explication ?"

Liora hocha lentement la tête. "Il m'a laissée croire qu'il reviendrait, mais il ne l'a jamais fait. Et maintenant, je suis seule avec ce fardeau. Mon père... il ne me pardonnera jamais."

La douleur dans sa voix était palpable, et Kaelen se rapprocha d'elle, son ton plus doux. "Tu n'es pas seule, Liora. Je serai là pour toi. Tu n'as pas à porter tout cela seule."

Elle tourna ses yeux vers lui, une lueur d'espoir brièvement allumée. "C'est gentil de ta part, mais... tu ne sais pas ce que c'est. Si mon père apprend cela, il me rejettera complètement. Et je ne peux pas... je ne peux pas le laisser savoir. Je suis perdue, Kaelen."

Kaelen posa une main réconfortante sur son épaule. "Ce secret, il ne doit pas te définir. Peu importe ce que ton père pense, tu mérites d'être entourée de ceux qui tiennent à toi."

Liora détourna les yeux, les larmes enfin roulant sur ses joues. "Je ne sais même pas comment affronter ça. Tout ce que j'ai voulu, c'était être aimée, être prise au sérieux. Et maintenant... je suis seule."

Kaelen la regarda avec une intensité nouvelle, comprenant enfin l'étendue de la douleur qu'elle portait en silence. "Tu n'es pas seule, Liora. Jamais."

Un silence lourd s'installa, mais cette fois, il n'était pas désespéré. C'était un silence où, pour la première fois, Liora semblait prête à accepter qu'elle n'avait pas à porter toute cette souffrance seule.