Et surtout lorsque c'était quelqu'un d'autre en particulier qui conduisait.

Mais aujourd'hui c'était Jisoo et il faisait très bien son boulot. En moins de vingt minutes ils trouvèrent une place de parking au bord du cimetière et ils se mirent tous les deux en route vers l'entrée du lieu. Jeonghan avait fait ce trajet tant de fois que c'était maintenant devenu mécanique de prendre la troisième allée sur la droite et d'avancer tout droit sans même prendre le temps de regarder autour de lui. C'était comme s'il faisait ses courses au supermarché et qu'il passait au rayon des produits laitiers pour acheter du beurre. Sauf qu'aujourd'hui le beurre qu'il achetait était sous la forme d'une tombe.

Quand bien même ça pouvait paraître morbide, se balader dans les cimetières était une activité que Jeonghan appréciait beaucoup. Même à l'époque lorsqu'il n'avait personne à qui rendre visite, il y allait quand même juste pour se promener. Ça le coupait du monde et c'était le seul endroit où il avait vraiment la paix. S'il avait envie de pleurer, il pouvait pleurer et personne n'allait le questionner. C'était son petit havre de paix qu'il avait chéri en grandissant.

Mais maintenant c'était de plus en plus difficile d'y retrouver la sérénité qu'il ressentait auparavant.

Il leur fallut trois minutes douze pour arriver vers la tombe qu'ils recherchaient. Jeonghan s'agenouilla et resta silencieux pendant un instant. Il plaça une main sur le marbre froid de la tombe puis se mit à parler.

- Salut papa...

Sur la plaque de marbre était inscrit "Yoon Jaehyuk, 14 décembre 1965 - 12 octobre 2020, à notre courageux héros et père aimant de retour parmi les anges". À côté, une petite photo en couleur affichait le portrait d'un homme dans sa cinquantaine, souriant.

Son père.

- J'aurais aimé te dire que ça va mieux qu'avant mais ça serait te mentir... Et tu es bien la seule personne à qui je ne peux pas mentir... Ils m'ont fait revenir à Séoul, tu y crois ça? J'avais dit que je ne remettrais plus jamais un pied ici pour le travail et regarde où j'en suis...

Jeonghan s'autorisa à laisser un rire ironique s'échapper de sa gorge. Donner des nouvelles à son père était à la fois l'activité la plus douloureuse et la plus libératrice qu'il n'avait jamais faite. Ça le soulageait de lui parler mais son cœur se serrait à chaque fois parce qu'il n'avait jamais de réponse en retour et il savait qu'il n'en aurait plus jamais une.

- J'ai croisé Jiah au supermarché avant-hier. Plus le temps passe, plus je me rends compte à quel point elle devient hideuse. Et je dis pas ça parce qu'elle s'est mis du Botox dans le visage, mais sa personnalité est devenue si intolérable que ça rend son visage encore plus laid. Tu es vraiment parti avant le désastre.

Il avait l'impression qu'il parlait comme un adolescent qui écrivait dans son journal intime. Mais il s'autorisait à le faire ici, dans le cimetière, parce qu'un parent restait toujours un parent et il restait toujours son fils peu importe où il se trouvait. Parfois il s'imaginait le fantôme de son père le prendre dans ses bras, même s'il ne le sentait pas. Il avait envie d'y croire parce qu'il n'avait rien d'autre à quoi s'accrocher pour rendre son deuil moins douloureux. Il avait envie de croire qu'il se souciait toujours de son état et qu'il l'aimait toujours autant, même de là où il était.

- Tu sais, je me dis que t'as quand même eu une sacrée chance de divorcer comme tu l'as fait. Parce que mon divorce à moi était un putain de fiasco papa. Je te l'ai déjà raconté mais j'arrêterai jamais de le répéter.

Son père et sa mère avaient divorcé quand Jeonghan avait trente ans. Ils étaient mariés depuis dix-huit ans et Jeonghan trouvait que c'était une bien trop longue période pour ce que leur relation avait vraiment été. Leurs dernières années passées ensemble s'étaient faites sous une pluie de disputes et d'arguments insensés, sans parler des tromperies de sa mère et des caprices financiers de son demi-frère.

- Lie Again -Where stories live. Discover now