L'Horloge de la Gare

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L'horloge de la gare de ma ville annonce 22h17. Je suis fatiguée, mais je dois encore attendre mon amie qui va arriver d'une minute à l'autre par le dernier train qui parvient jusqu'ici.

Les minutes s'égrènent lentement sous mes yeux, le temps est long. Il fait nuit noire dehors, et la gare semble avoir été désertée par tous les voyageurs et vacanciers de ce mois de décembre. Il n'est que 22h20. Je vois les secondes défiler, et j'ai la sensation étrange qu'elles passent de plus en plus lentement.

57, 58, 59....

Il est 22h21. Je me surprends à rester là, fixant cette horloge comme si je pouvais en étudier tous les mécanismes. Il n'y a aucun voyageur autour de moi, pourtant je ne me sens pas seule, comme épiée, regardée. C'est de plus en plus long.

58, 59...

Il est 22h22 et 0 secondes. Et c'est tout. Plus rien d'autre. J'ai la sensation que le monde s'est arrêté de tourner, et la seule chose qui pourrait me prouver que c'est le fruit de mon imagination valide, au contraire, cette oppression. Cette chose, c'est l'horloge.

Il est toujours 22h22 et 0 secondes. Plus rien ne bouge. J'essaye de me ressaisir, tout ça est dans ma tête. Je suis soulagée lorsque je perçois du mouvement sur ma gauche. Il y a quelqu'un, donc tout va bien. Mais ce que je vois me glace le sang.

Un spectre noir, une silhouette de femme. Tout ce que je vois, ce sont ses yeux d'un blanc laiteux. Elle a le regard dans le vide, mais pourtant je sais qu'elle me fixe. Je détourne le regard vers l'horloge.

22h22 et 0 secondes.

Je décide de parler, d'une voix paniquée :

« Qui êtes-vous ? »

Elle n'ouvre pas la bouche, mais j'entends sa voix qui remonte dans mon âme.

« Cela n'a pas d'importance, puisque je suis morte. Je suis juste venue te prévenir de faire attention à l'homme qui porte un haut-de-forme. Ses yeux bleus sont aussi glacials que l'Antarctique. C'est lui qui m'a crevé les yeux avant de me tuer. »

Je n'ai pas le temps de réagir qu'elle disparaît dans une sorte de nuage de fumée blanche. Je crois réellement avoir vu un fantôme. Je regarde l'horloge, il est 22h23 et 37 secondes. Je suis plus que soulagée. La fatigue joue sur ma perception des choses, et mon cerveau a le don de s'inventer des scènes horribles.

Soudain, une tonne de voyageurs afflue dans ma direction, et je comprends que le dernier train est arrivé. Je vois mon amie, je lui fais signe et elle me rejoint. Mes oreilles passent du silence de la gare au bruit de la foule.

Puis la tachycardie reprend. En dessous de l'horloge, parmi la foule, se tient un homme grand, des yeux bleus perçants, et un haut-de-forme noir.

Il est là, en chair et en os. 

Textes EphémèresWhere stories live. Discover now