Chapitre 31: Dernière pluie

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« Elle arrose les plantes mais arrache les âmes... » Maya Houarault.

Rouh

Il pleut.

Si cette pluie avait eu un nom...elle se serait appelée Rouh. Non pas parce que c'est moi qui l'ai découverte comme le font ceux qui détectent les tempêtes et autres. Mais parce que c'est moi qui la subit.

Elle tombe comme ce qu'il se passe dans mon corps. Elle tombe comme ce qu'il se passe dans mon cœur.

Rentre Rouh, me suggère la sage-femme coordinatrice à la fin de ma garde, je remplirais ton livret de stage et l'enverrais directement à l'école. Tu n'auras pas besoin de revenir.

J'acquiesce et avance vers le vestiaire de manière mécanique.

On leur a annoncé la nouvelle. On a annoncé aux parents que leur fils Elyes est mort. On leur a expliqué le plus simplement possible. Tels qu'ils sont, ils ne doivent pas avoir compris grand chose.
Ils doivent être encore en train de le pleurer...

Le meilleur métier du monde...alors qu'on est à peine reconnu pour nos responsabilités et notre travail.

Elyes en avait parlé. Il n'y a pas que le beau. Je ne m'en rendait pas compte. Maintenant si. Depuis un petit moment d'ailleurs.

Je me demande comment ce couple va passer par dessus ça...

Je n'ai pas pleuré.

Je ne pleure toujours pas.

Je me demande quand pourrais-je le faire ? J'ai hâte de le faire. J'ai hâte de lâcher prise. Je n'y arrive pas toute seule.

Mes mains tapotent mon téléphone et un léger sourire s'inscrit sus mes lèvres lorsque je vois « Mon roi » en notification. Il m'a laissé un message. Pour le coup, je regrette de ne pas avoir laissé son prénom. Voir qu' « Elyes » m'a écrit m'aurait rassuré.

Mais il va bien.

Lui...va bien.

J'ai hâte de m'en assurer. Hâte de lui pardonner.

Je me change de façon machinale et sors dehors pour l'attendre.
Je pourrais lâcher prise lorsque je serai dans ses bras. Lorsque je m'assurerais qu'il va bien.

J'imagine.

La pluie.
Elle est déchaînée. Il y a du vent. Les arbres se secouent comme des spectres aux épées qu'ils se plantent entre eux. Les éclairs encouragent la violence de ce combat et l'orage l'acclame.
Dans l'obscurité de la nuit, le spectacle est d'autant plus violent.

Rouh, monte je te ramène à la maison.

Nassim.
Elyes n'est pas là.
Pas encore. Alors j'attends. J'attends.

Il pleut.
Il pleut dans mes yeux. Il pleut dans mon cœur. Il pleut dans mon corps. Il pleut à l'extérieur. Mais il n'y pas de larmes.

Eh Rouh...ça ne va pas ?

Ça ira bientôt. Lorsqu'il sera là, ça ira mieux. Je respirerai mieux. Il a ce don de me faire respirer lorsqu'il entre dans mon champ de vision, lorsque son odeur imprègne mes narines. Ça ira mieux à ce moment.

Je l'attends. J'attends qu'il vienne me chercher, comme il m'a promit dans son message. Afin que je puisse me réfugier. Afin que je puisse pleurer.

D'après mon téléphone, ça fait 30 minutes que j'ai fini ma garde. Ça fait 30 minutes que je l'attends. Ça fait 30 minutes que j'ai mal. Mais j'attendrai encore plusieurs minutes, plusieurs heures s'il le faut.

RouhiWhere stories live. Discover now