Chapitre 14

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La porte éclata en lambeaux épars, le bois de la table centrale se fendit en son milieu sous l'impact. Une cruche de vin se brisa sur le dallage, tandis qu'un verre aux ornements détaillés, survécut par miracle à la chute, pour rouler jusqu'à une bosse à la surface du tapis.
Une décharge de fracas qui combla Max d'une délivrance presque salutaire. Cet instant résultait du cumul de trois longues années de traque. Trois années de mixture et d'antériorisation d'un fiel toxique, dont la substance corrodait ses intestins, impatiente de se déverser en une crue torrentielle sur son antagoniste. La somme de ses tourments le dardait de son insupportable rictus supérieur, mais cette fois-ci une faille pénétrait sa défense. L'assurance de son ainé s'effritait soudain face à la détermination souveraine d'un homme en colère.
Max dominait son frère, toujours abattu sur le sol. Le poing brandi, il l'abattit sur le visage d'Erein. Il réitéra le geste, jusqu'à frapper machinalement, la raison perdue dans les affres de sa vengeance. Chaque coup porté l'électrisait encore davantage. Chaque heurt n'était qu'une infime partie de la douleur que son frère avait engrangé. Chaque impact camouflait un peu plus le poids de sa culpabilité.
Erein parvint à se libérer de son emprise et lui retourna un sévère coup de genou dans l'abdomen, puis le fit basculer par-dessus lui. Max s'écrasa au sol et son pied décrocha un cadre du mur, qui se brisa sur la pierre.               

— Mon frère, souffla Erein en se redressant. Tu n'as rien à m'envier en matière d'entrée spectaculaire, quel comédien.

Tu te moques de moi Erein ! Trois ans à te traquer et c'est ça, ta putain de réaction !

Max ramassa le verre miraculé et le lança sur son frère dans un geste peu maîtrisé. Celui-ci se protégea de son coude puis reçut un coup de pied dans les côtes. Le souffle coupé, il recula de plusieurs pas. Malgré la violence des coups portés, la douleur semblait glisser sur son visage sanguinolent et il ne perdait rien de son attrait naturel. Irrité, Max effleura son épée mais se ravisa. 

— Te transpercer serait trop charitable. Pas après le cauchemar que tu as crée.

— Ho tu m'en vois ravi Max, s'amusa Erein en écartant les bras d'une manière théâtrale. Tu prends ton rôle de martyr très au sérieux à ce que je vois.

Max ne céda pas à la provocation cette fois-ci. Il dressa ses poings et avança vers son frère, d'apparence figé dans ses pensées. La vivacité de l'attaque prit Max de court, Erein venait de dégainer son épée et lançait une estoc droit sur son cœur.

— Et qu'est ce qui te fait croire que je vais jouer avec tes règles frérot !  

Max parvint à s'écarter au dernier moment et la lame entailla son épaule. Ignorant la coupure, il immobilisa le bras de son frère et lui asséna un crochet dans la mâchoire. Erein se fendit de son sourire de dément, comme si un plaisir intense se répandait dans son corps. Max le frappa à plusieurs reprises, jusqu'à ce que son frère ne soit plus en état de sourire et tombe genoux à terre. Un filet de sang visqueux se déversa de sa bouche et ignorant sa douleur, il entama une comptine fredonnée.   

Petit homme, tu pleures, je connais ton chagrin.
Un autre a volé, le fruit de ton labeur.
Mais n'ais donc pas peur, tu entends le tocsin.
Cet homme fait une erreur, il s'en mordra la main.

Cette chanson que nous chantait notre père, pourquoi te passe t-elle par la tête maintenant ? Serait-ce encore une de tes manipulations ? Tsss, Ika l'adorait...

— Tu ne t'attendais pas à me trouver ici mon frère, hein ?

Max arma son poing de plus belle, comme pour taire définitivement la source de ses maux. Mais il ne put se résoudre à frapper, le laissant poursuivre.

Voyage vers l'île des mortsWhere stories live. Discover now