Chapitre 4 : partie 2

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Aamarré à l'un des quais disponibles, le Tamaskan paraissait bien frêle en comparaison des mastodontes de guerre de la flotte royale. Ces derniers dormaient paresseusement, bercés par la houle et le brossage journalier des marins de garde. Le contremaître du port s'approcha du navire avec la hâte d'un homme débordé de travail, affichant malgré tout une mine sobre et concentrée.
La main ferme et rugueuse du capitaine se posa sur l'épaule de Max. Il maintint une pression inutile, comme pour appuyer l'importance des propos qu'il s'apprêtait à tenir.

— Nous y voilà ! Novapoli, capitale du vice ! Je sens d'ici sa pestilence, déclara t'il en humant l'air. L'endroit idéal quand on recherche une charogne comme tu sembles le faire. Ce fut un plaisir !

Sa tirade conclue d'une claque faussement fraternelle dans le dos, il s'en alla rejoindre le contremaître. Ce dernier se plongeait déjà dans une analyse visuelle millimétrée de ses fins yeux plissés. Son immense livre semblait tel un boulet, enchainé à ses mains frêles et usées.

Renoir donnait ses dernières directives à l'équipage avec son flegme usuel. La renarde avait empaqueté son maigre bagage et se trouvait déjà, à emboîter le pas au capitaine Lone. Il ne la remarqua que trop tard et voulut l'interpeller, mais l'assaut de la bureaucratie exacerbée s'abattit sur lui en un florilège de questions ininterrompues, extirpées des lèvres du contremaître. Ainsi elle emportait à ses côtés le mystère qui l'entoure.
À son tour, Renoir s'approcha de Max et ils échangèrent une poignée de main amicale.

— Cette ville est un piège, camarade, ses murs ont des oreilles.

— Rien que de voir cette fourmilière, me fait déjà regretter le charme de la tempête.

— Vraiment ? Pouffa Renoir dans un soupçon de sarcasme. Tu sais que ce n'est qu'une petite brise qui t'a accueilli l'autre jour.

Max lui rendit un rictus, cherchant à dissimuler sa morosité, ses pensées se bornaient à se focaliser sur son frère. Renoir le darda d'un œil perçant, rien ne s'avérait échapper à son discernement.    

— Bonne route à toi Max, puissent les vents t'être favorables, déclama t'il avant de prendre congé.

Le visage toujours habité d'une constante bienveillance, si bien qu'il paraissait difficile d'en attester la réelle sincérité.

Arrête de penser à mal imbécile. 

L'équipage s'affala à même le plancher ou contre le bastingage, pour récupérer de ce long voyage en mer. Ils ne guettaient plus que l'autorisation du capitaine de quitter le bord afin de rejoindre la taverne la plus proche. Voire de se diriger vers les lanternes rouges, le soir venu.
Sans plus de formalité, Max descendit et foula pour la première fois, les planches humides et grinçantes de cette capitale gargantuesque.

Une cohorte de navires de guerre, occupait les quais les plus affairés du port. Un équipage au complet s'affairaient à les briquer de fond en comble. Curieuse pratique visant à faire rayonner les appareils destinés à décharger la mort, autant qu'à la subir. Alors même qu'ils reviendraient couverts d'une crasse nouvelle, mêlant poudre, algues, sueur et sang.
Ils en étaient de même pour les soldats, ces derniers s'alignaient l'arme bien droite, le long d'un quai, le temps qu'un médaillé quelconque les inspecte. Il s'assurait d'une hallebarde bien polie, d'un uniforme bien repassé sous la cotte de maille, d'une barbe correctement rasée ; avant qu'ils ne rejoignent le pont dans une colonne parfaitement symétrique. Ils acquerront alors la satisfaction toute relative, de savoir qu'ils iront mourir avec une certaine élégance. Si toutefois, les boulets adverses gardaient la politesse de ne pas ruiner leur effort, troquant la garantie d'un décès généreux en gargarisme sous la lame ennemie, au profit du panache tonitruant de leur caresse.

Voyage vers l'île des mortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant