Chapitre 13

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Le retour à Novapoli se fit dans la circonspection. Max et Anya errèrent un jour de plus sur les chemins de campagne, accordant ce délai à une planification méticuleuse. La garde de la tour s'attendait à une nouvelle intrusion de la part de Max. Néanmoins, ils guettaient un homme seul ; son frère lui-même ne soupçonnerait pas leur association.
L'afflux de réfugiés en provenance de l'isthme de Fénard et des environs, où la guerre ferait bientôt rage, leur avait permis pour se fondre dans la masse. La capuche vissée à nouveau sur le visage, Anya avait convaincu Max de rendre discrètement Virevent à son propriétaire. Quitte à l'acheter pour de bon, une fois qu'ils quitteraient la ville. Propriétaire qu'ils trouvèrent endormi sur la même botte de foin qu'à leur départ ; à croire qu'il hibernait sur son trône.

Les rues croulaient sous l'affluence et un tapis de mendiants bordait les trottoirs, composé en majorité d'exilés du nord. La place de l'estrade polarisait toute la fureur d'une population terrifiée, où les pendaisons de barbane remplissaient leur rôle d'exutoire funeste.
À l'inverse, le parvis de la cathédrale vibrait sous les psalmodies des fidèles, dont les rangs gonflaient chaque jour.

— L'espoir est tout ce qui reste à ceux que même la colère a quittés, commenta Max d'un ton morose.   

Anya se contenta d'acquiescer. La foule l'épuisait et ce cumul de représentations alarmistes  lui demandait le double d'efforts.  

Le quartier noble, proche du château, tendait à une agitation moins véhémente mais plus altière. Des piloris ornaient les places et arboraient chacun, un prisonnier destiné à accueillir la grogne bourgeoise. La basse noblesse participait à sa manière, à l'effort de guerre, armée de boue dans le meilleur des cas.
Témoin détaché et passif, Max se demandait s'il en était ainsi de l'autre côté. D'une certaine manière, il se sentait plus proche du pauvre barbane lapidé, que de " son peuple ". À l'inverse de son frère, il avait fait la guerre en la haïssant. Mais tous deux avaient bien dû reconnaitre, qu'un lien particulier se noue avec celui que l'on affronte les yeux dans les yeux. Dans ces instants, les hommes se retrouvent confrontés à leur part la plus bestiale et leur volonté de vivre l'emporte, dans une hargne sauvage. Il n'empêche que l'adversaire n'est qu'un miroir. Un roturier, lui aussi dépassé par les évènements, enrôlé de force et électrisé par la haine de l'ennemi. Tout s'estompe lorsque l'un des deux est défait. Il ne reste que des hommes, un même sang, une fatigue commune, et l'hypothèse plus que probable, que le survivant rejoigne le défunt sous peu. Un respect mutuel naît pour ce double, ce reflet tangible.  

Anya tira sur la manche de Max, l'extirpant de ses élucubrations : le château se dressait devant eux. Infiltrés dans une ruelle adjacente, ils parvinrent à escalader la façade d'une habitation grâce à l'échelle d'un charpentier, déposée dans un repli. Allongés sur l'ardoise sombre, ils détaillèrent l'édifice.

— C'est une vraie forteresse, observa Max.

— Je t'avais prévenu, elle sortit une feuille de papier de son manteau, ainsi qu'un morceau de charbon, et commença à dessiner un plan sommaire des lieux. Le pont levis semble le seul accès. Une fois dans la cour intermédiaire, à gauche se trouvent les écuries et le bâtiment au fond est le quartier de la garde de la tour. Le bureau de ton frère se trouve derrière, toutefois, je doute qu'il y passe sa journée.

— Tu as vu d'autres endroits dans ce château ?

— Seulement les cachots. Il y passe pas mal de temps également, mais pas juste pour interroger les prisonniers. Ma cellule donnait sur une porte verrouillée à double tour, seul lui s'autorise à pénétrer dans cette pièce... Je préfère ne pas savoir ce qu'il s'y trame.

— Je suis désolé que tu te retrouves mêlée à ça.

— Encore une fois, ce n'est pas toi qui m'a torturée, tu ne devrais pas te blâmer autant. Les autres s'en chargent assez pour nous.

Voyage vers l'île des mortsOnde as histórias ganham vida. Descobre agora