Chapitre 10

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Le ciel voilé de l'après-midi enrobait le village champêtre, au sein duquel Max et Anya faisaient halte. Après le partage des provisions offertes par la sœur Marie, ils avaient constaté un besoin mutuel de se renflouer. Leurs rencontres successives évoluaient d'une pure coïncidence, à une récurrence improbable. Un facteur qui avait joué un rôle implicite, pour encourager Max à proposer une collaboration, le temps d'un contrat. L'esprit de la jeune femme avait vagabondé entre la surprise et la méfiance, avant de trancher pour la voix de l'entraide.   
Ils déambulaient dorénavant à travers les ruelles désertes de la commune, chacun d'un côté de Virevent. Max l'escortait par la bride et Anya lui adressait des caresses régulières le long du col. Ce dernier semblait plutôt bien vivre son enlèvement, bien que Max supputât qu'il n'eut pas refusé de brouter à l'extérieur. Le village portait le nom de Pleinager, niché dans un creux de colline, et cerclé d'innombrables champs de blé. Quelques poules et oies picoraient en liberté, profitant de l'absence d'être humain pour se mouvoir à leur guise. La majorité des habitants avaient déserté dès l'aube, afin de travailler aux cultures.
Le couvent représentait le plus imposant bâtiment des lieux, concurrencé uniquement l'église, unique autre bâtiment en pierre du bourg.

— Comment as-tu trouvé ce couvent ?   

— Avec beaucoup de chance. Pour ne rien te cacher, c'est Virevent qu'il faut remercier. Je n'y connais rien en médecine donc je lui ai demandé de nous conduire chez un docteur. Je ne sais pas dans quelle mesure il m'a compris, mais il m'a mené jusqu'à cet endroit. Je crois bien avoir réveillé tout le village en tambourinant chez les sœurs. 

Anya s'efforçait de dissimuler son visage derrière l'imposante tête de l'alezan, afin d'éviter son regard. La présence de l'animal paraissait la rassurer néanmoins, lui faisant accepter plus aisément la présence de Max.    

— Tu penses que la guerre va parvenir jusqu'ici ? Demanda t'elle d'une voix tourmentée.

— Je n'en sais rien. À Novapoli, j'ai entendu que le prince était envoyé faire front avec une armée de fortune. Je doute que ce soit suffisant face à la détermination barbane.

Le visage de la jeune femme apparut, après que le cheval eut plongé la tête vers une aguichante pousse de pissenlit au milieu du sentier terreux. Habitée de ce regard abattu et suintant le remord, à l'arrière goût d'échos d'un passé douloureux dont Max ignorait tout. 

— Une fois de plus, commença-t-elle d'une voix chargée de regret, la mort pleuvra... et des millions s'éteindront en un cri d'agonie.        

— Ainsi vont les humains, il n'y a aucune limite à la bêtise. Je suis bien placé pour le dire.

Son sarcasme parut heurter Anya, laquelle lui retourna un prompt regard noir. Max ne s'en offusqua pas, sa misanthropie innée lui avait déjà attiré les foudres de nombreuses personnes. Il avait saisi qu'il sonnait comme un petit con désinvolte, incapable de témoigner d'un peu de respect. 

Effectivement... La tienne dépasse l'entendement mon grand.

— J'ai tendance à penser comme toi, répondit-t-elle. Mais est-ce une raison pour accepter ça ? 

Argument percutant, l'apathie ne représente pas une solution à quoi que ce soit.   

— Je ne sais pas vraiment comment expliquer mon ressenti en fait, avoua t-il en passant sa main à travers ses mèches, comme pour évacuer sa maladresse. Presque à chaque fois que j'ai essayé, je me suis heurté à un mur. 

— Commence par essayer avec quelqu'un capable d'écouter.

Décidemment, la répartie de la renarde ne cessait de le désarçonner.

Voyage vers l'île des mortsWhere stories live. Discover now