Chapitre 3

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Un flot de bile se déversa dans l'océan, il se dispersa parmi l'écume des vagues venues assaillir la coque du Tamaskan. Une mer violente et sans concession, malmenait le vaisseau dont le bois grinçait au va et vient de la houle. Ballotté sans relâche dans son étreinte, l'équipage ne profitait d'aucun instant de répit.
Max termina de régurgiter son repas du soir en se cramponnant au garde-fou. Sa tête tournait comme un manège et son corps tout entier souffrait dans un supplice d'inconfort. Bien que ce ne soit pas sa première fois en mer, il n'avait jamais connu de tempête ; une tempête déterminée à lui montrer toute l'étendue de sa puissance. D'un revers de manche, il s'essuya le bord de la bouche, puis entendit le rire gras et rauque du capitaine Lone. Ce dernier tenait la barre sans même sourciller, se dressant, implacable, face aux éléments.

— Alors matelot ! Tu sembles avoir perdu de ta superbe maintenant que les vaches sont loins hein, lança Lone à son adresse.

Max tenta de le toiser d'un regard noir, avant de perdre l'équilibre et de chuter sur le plancher du pont. Il roula bien malgré lui, jusqu'à tribord et provoqua de surcroît, l'hilarité du capitaine. Les membres d'équipage avec le pied suffisamment marin pour supporter les flots sans broncher, parurent se satisfaire de cette galipette hautement exécutée.
Sa tête heurta la balustrade opposée, l'engourdissant d'un mal de crâne carabiné. Il voulu jurer, mais l'océan ne lui en laissa nulle l'occasion : une lame se fracassa contre la coque et un flot se déversa sur sa tête. À ses côtés, les deux matelots qui consolidaient les nœuds attachants le canot de sauvetage furent balayés à leur tour, accompagnés de leurs insultes aqueuses. Le rire de Lone s'éleva une fois de plus à travers le navire et il s'adressa à l'équipage.

— Bienvenue à tous à bord du Tamaskan ! Nous partons pour un aller simple pour l'enfer !

Habité d'une profonde envie de lui rabattre son caquet, Max balaya l'idée à regret. Priver le navire de son capitaine pendant un moment aussi crucial, ne lui semblait pas raisonnable.
Un homme descendit de l'échelle de mât pour se frayer un chemin vers Max, tentant tant bien que mal de conserver son équilibre.

— Allez mon gars, courage ! Une tempête comme ça ne dure jamais que quelques heures ! Dit le matelot en agrippant son poignet.

L'homme parlait avec un fort accent, ainsi qu'une certaine jovialité involontaire.
Remis sur patte avec son aide, Max détailla ce qu'il pouvait voir de ce visage dissimulé sous une capuche. Il fronça les sourcils en détaillant ses yeux sombres et fins, ainsi que sa peau mate, parsemées de taches de rousseur brunes. 

Un barbane, ici ?

Le marin parut noter sa surprise, un sourire se devina sous ses pommettes tandis qu'il accompagnait Max vers les quartiers d'équipage.

— Tu sembles étonné étranger, pourtant si tu prêtes attention, je ne suis pas le seul à ce bord.

La réponse du matelot sonna pleine de bon sens. Il est vrai que les mercenaires n'accordaient aucune d'importance à l'origine de leur membre. Leur allégeance allait entre eux, ainsi qu'envers l'argent.
L'escalier central atteint, ils en entreprirent la descente avec moultes précautions.
Un rapide coup d'œil des quartiers d'équipage rassura Max sur le pathétique de sa condition. Une demi-douzaine de marins se trouvaient là, à gémir leur malaise, se tordant sur leur hamac. Le matelot accompagna son avancée d'une tape dans le dos, suivie d'un sourire éclatant, faible lueur perdue au milieu de la tempête.

— Allez je te laisse, dis toi que tu commences par le pire, conclu t-il, avant de remonter les marches d'un pas rapide et de disparaître sur le pont.

Durant sa traversée bancale du quartier des lamentations, Max s'arrêta un instant sur la silhouette de la renarde. Tapie dans un coin, équipée d'un fidèle seau recevant pour butin, elle endurait les tourments de sa naupathie.
L'ironie traversa l'esprit de Max, tandis qu'il rejoignait sa couchette attitrée. Eux qui étaient si maîtres de leur environnement hier encore, se voyaient maintenant tel Icare, choir de leur superbe.
Il s'écroula d'un poids unique sur la toile suspendue lui servant de couchette et s'imagina s'endormir rapidement, au vue de la fatigue l'accablant. Toutefois, impossible de fermer l'œil de la nuit. Tout comme ses compagnons de chambrée, la tête et le cœur tanguant au rythme de l'océan.

Voyage vers l'île des mortsWhere stories live. Discover now