Niveau 13

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Figée devant la porte de February, mes pensées se bousculent et ma culpabilité s'accentue. La culpabilité, ou ce sentiment de faute qui ronge et dévore de l'intérieur. Réelle ou imaginaire, elle s'accroche à moi et je ne peux m'en défaire. Je n'arrête pas de repenser aux conséquences de mes mots. Ressasser ne sert à rien. Pourtant, impossible de m'en empêcher.

— Tu vas entrer ou rester plantée là encore longtemps ? me surprend March, une bouteille à la main.

Dénichée je ne sais où. Car nous sommes revenues ensemble sans passer par la cuisine, ni le garde-manger et February a réglé le compte de toutes les bouteilles d'alcool présentes hier soir. February. Mes dents crissent alors que March ouvre le whisky ambré, boit une gorgée et me le tend.

— J'espère que tu aimes la cannelle.

Je déteste la cannelle, mais me garde bien de lui dire et avale une gorgée. Le liquide sucré et oppressant me brûle la gorge. Néanmoins, le feu saisissant me fait un bien insoupçonné et je descends le whisky d'une traite jusqu'à ce que March me l'arrache des mains.

— Doucement, January, c'est ma dernière bouteille. Si tu tombes dans un coma, je te jure, je t'abandonne à ton sort et je ne te reparle plus jamais.

Une étincelle d'espoir m'accable aussitôt et ma Capitaine ne manque pas de la déceler.

— C'est ce que tu veux ? T'isolée ? Te couper du monde et mourir sans avoir jamais vécu ? Tu es tellement terrifiée à l'idée de vivre... Tu es incapable de t'affirmer, de t'assumer. Tu ne manques pas simplement d'un peu de confiance, tu en es dépourvu. Et tu n'as aucun courage. J'avoue que c'est une première pour moi. Bref, si tu veux qu'on mette un terme à nos, disons, échanges, aucun problème. Je te laisse moisir dans ta cellule et on verra bien comment tu t'en sortiras seule. Ce ne sera sûrement pas glorieux, vu ton état d'esprit et la façon dont tu prends ce jeu.

Un boulon pête. Ou l'alcool me monte à la tête. Sans doute les deux, car je ne supporte plus le dédain quotidien, les insultes camouflées, et les rabaissements incessants. Je ne suis pas un rebut de la société. Je ne suis pas...

— Pourquoi vous me rabâcher tous sans cesse que je suis seule ! J'en ai marre à la fin. Vous ne me connaissez pas. Vous n'avez aucune idée de qui je suis. Alors foutez-moi la paix ! J'ai une famille qui m'aime, une sœur toujours là pour moi, des amis...

— Et où sont-ils en ce moment ? Tu crois qu'ils vont venir te sauver des griffes du terrible et infâme Virginity Game que le monde entier admire et vénère ?

Elle part dans un fou rire monumental qui taillade mon abdomen. Et la douleur est telle que je me retrouve à un orteil de basculer totalement du côté de l'inconscience.

— Tu es hilarante, enchaîne-t-elle, sans me laisser de répit. Tu veux qu'on te laisse tranquille ? Tu veux rester bien sagement à attendre ta dernière heure ? Grand bien t'en fasse si c'est ce que tu désires. Je trouve personnellement que c'est une insulte à tous ceux qui n'ont pas ta chance. La chance de respirer, d'être en bonne santé, d'avoir une si précieuse famille.

Entendre de sa bouche l'une des raisons pour lesquelles je me haïs tant massacre les tripes qui dégringolent de mon ventre lacéré. Et incapable de les remettre en place, je contemple la marre de sang et de boyaux écrasés par March.

— Je ne sais même pas pourquoi je m'entête à discuter avec toi. Finalement, c'est peut-être bien moi la plus stupide. Je comptais te parler de Feb. T'expliquer les raisons qui l'ont conduite à se comporter ainsi. Mais tu n'es pas capable de les comprendre, tant tu es focalisée sur ta petite personne, soupire-t-elle, en baissant la poignée de la chambre de February.

The Virginity Game - L'île PerdueWhere stories live. Discover now