Niveau 3

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Mes paupières refusent de se soulever. Pourtant, impossible de dormir plus longtemps. Mes oreilles bourdonnent, une barre colossale appuie sur mon front et mon cerveau comprimé se révèle en manque sérieux d'oxygénation. La soirée d'hier n'est qu'un songe lointain et le retour à la réalité s'avère particulièrement compliqué. Surtout, avec ces travaux qui n'en finissent jamais. Les buildings poussent comme de mauvais champignons depuis des années et rien ne semble capable d'arrêter leur croissance.

Dans un demi-grognement, je me tourne sur le côté en tirant ma couette et mes genoux butent contre un obstacle inattendu. Des raideurs remontent aussitôt le long de ma colonne vertébrale. Mon matelas semble soudain bien étroit et étrangement inconfortable comparé à d'habitude. À moins que ce ne soit qu'un livre oublié et les restes d'une soirée plus fatigante qu'escompté.

Car, c'était éprouvant tant sur le plan mental que physique. Ma gorge se trouve aussi asséchée que le plus aride des déserts. Mes globes oculaires me brûlent et me piquent avec ardeur. J'ai beau les frotter et cligner des paupières inlassablement, impossible d'annihiler cette sensation de chlore. À croire que j'ai passé la nuit à la piscine, les orbites ouvertes. Enfin, si rester au lit à me lamenter me tente, je dois me lever maintenant ou ma journée sera perdue, au fond d'un gouffre infini de noirceur et d'aigreur.

Loin de déborder d'énergie, je me redresse tout de même et un claquement m'arrache un sursaut dévastateur. Ce réveil abrupt me conduit à ouvrir les yeux de la plus horrible des manières. Je ne me trouve pas emmitouflée sous ma couette. Installée sur un fauteuil, enroulée dans une couverture duveteuse, j'ai atterri par je ne sais quel malheur au beau milieu de la suite d'Evan. Qui est en mouvement ?

— Lise ? appelé-je, d'une faible voix.

Sans réponse, je hausse le ton, mais le silence perdure et mes pupilles s'affolent autant que mon cœur s'emballe. Seule à l'intérieur d'une cabine spacieuse, les imposants sièges respirent tant le luxe à plein nez qu'ils en sont asphyxiants. Je me réfugie dans la contemplation du ficus collé contre la paroi et tente de m'imprégner de la sérénité qu'il dégage tout en me ventilant au mieux.

Lise dort probablement encore et dès qu'elle se réveillera, je rentrerai chez moi. Car sans téléphone, ni liquide, cela me paraît périlleux. J'attends donc immobile engouffrée au fin fond du fauteuil en cuir beige et, surprise, le temps ne passe pas. Incapable de tenir en place, je me lève et la couverture glisse sur le parquet lustré. Inhabitée par le désir de me pencher, je l'enjambe et me prends les pieds dans le tapis en peau. Je me rattrape in extremis à la table basse, le karma ne me loupe jamais.

Nez à nez avec une coupe de champagne, le tourbillon de bulles me donne le tournis et mon regard se jette à travers le hublot panoramique où une mer de guimauve blanche se dessine. L'envie de m'abandonner au cœur de cette douceur vaporeuse et de me laisser submerger par cette délicatesse sucrée et fondante me gagne.

Un petit voyage aérien me conférerait le plus grand apaisement et vu le prix exorbitant de cette suite, ce serait dommage de ne pas en profiter. Bien qu'Evan ne me semble pas du genre à choisir cet environnement, pourquoi l'aviation ne peut-elle pas le passionner ? Enfin peu importe, l'opportunité de fouler le plancher d'un avion ne se présente pas tous les jours, même s'il s'agit d'une simulation, dont le réalisme m'impressionne fortement. C'est très proche de ce que j'imaginais. La sensation de vol s'avère beaucoup plus douce qu'en automobile, la vitesse ne perturbe pas la stabilité et la liberté de déplacement s'avère totale. Néanmoins, il semblerait que rien n'égale le sentiment d'apesanteur et je n'ai qu'à franchir le hublot...

Mon reflet me parvient et mon rythme cardiaque s'accélère. La robe de Lise a disparu et je réalise que mon sac ne siège nulle part. A la place, un short de sport révèle le bord de mes fesses et un tee-shirt au col trop large, dévoilant le haut de mes seins, le recouvre. Mes mains se plaquent contre ma poitrine et le bas de mon ventre, mes sous-vêtements sont bien présents. Mais dans quel état me suis-je encore mise hier soir pour que Lise m'aide à me changer ? C'était sûrement déplorable vu que mon chignon ne ressemble plus à rien. Et je n'imagine même pas ma tête si un miroir me faisait face.

The Virginity Game - L'île PerdueWhere stories live. Discover now