Je balaye la pièce sans grande conviction et les déniche en un rien de temps. Ils n'ont même pas pris la peine de prendre un modèle indétectable ou au moins de les cacher. Situées aux quatre angles du plafond, de belles boîtes mécaniques me filmeront vingt-quatre heures sur vingt-quatre et un seul regard me le rappellera.

Mes bras se replient sur mon soutien-gorge et je m'empresse de remettre le tee-shirt enlevé trop vite. Si pour beaucoup la nudité ne les dérange pas, ce n'est pas mon cas. J'entre dans la salle de bain tout en marbre et argent, priant pour ne pas être observée jusque dans cette pièce. Mais le ciel n'a pas pour usage d'exhausser mes vœux et aujourd'hui s'avère un jour comme les autres.

Heureusement, les vitres de la douche se révèlent teintées. Pas entièrement, mais le principal se trouve masqué. Je n'enlève donc mes vêtements qu'une fois à l'intérieur de la cabine et n'ayant nulle part où les pendre, je les dépose sur le haut des portes de la douche. Embuée dans un nuage de vapeur, l'eau chaude coule sur mon corps. Toute la saleté accumulée se retire et pas uniquement la physique. Je frotte ma peau avec du savon jusqu'à ce qu'elle rougisse et commence à me tirer.

Une fois propre, je réalise que d'un, je n'ai pas pris de vêtement de rechange et que de deux, j'ai accessoirement oublié de prendre une serviette de bain. Un long soupir m'échappe et en récupérant mes sous-vêtements, le tee-shirt et le short tombent de l'autre côté de la douche. Un plus deux égal trois, me voilà obligée de sortir à moitié nue.

Le principal caché, je me précipite à l'extérieur et enfile rapidement les chiffons traînants par terre. Je déniche une serviette, me sèche et arrive devant la penderie. Tous mes muscles s'engourdissent. Je remplace mon soutien-gorge par le premier me tombant sous la main, le moment de me déshabiller vient. C'est comme si tu étais à la plage en maillot de bain, me rassuré-je. Détends-toi. Je retire mon tee-shirt à contrecœur et enfile une robe portefeuille légère. Je noue l'épaisse ceinture assortie à la soie blanche parsemée de fleurs bleues, en m'assurant que le moins de peau ne dépasse de mon buste.

Protégée dans mon armure de soie, j'enlève le short et change ma culotte en toute sécurité, grâce au tissu qui descend jusqu'à mes genoux. Les manches kimono glissent sur mes bras alors que je relève mes cheveux coincés dans le col et je m'écroule sur le matelas à la souplesse parfaite. Je caresse la fine couette duveteuse dont la blancheur rappelle celle des murs où les touches argentées dégagent une certaine pudeur.

Contrairement au salon, aucune plante ne vit ici, cependant, la décoration épurée apporte quelques touches rosées et bleutées. Mes yeux tombent sur le tableau suspendu en face du lit à baldaquin. Je le reconnais immédiatement. Les Glaçons de Monet. La douceur du paysage hivernal aux tons pastel me captive et, égarée dans ses traits, je le détaille longuement. Monet est l'un de mes peintres favoris et la collection des Nymphéas, exposée au Musée de l'Orangerie, un véritable coup de cœur.

Un détail attire mon œil, une signature. Impossible de dire s'il s'agit de l'original ou d'une reproduction, mais sa vue m'apaise grandement. Jusqu'à ce que les larmes coulent de nouveau sans prévenir et que de nombreuses questions décident de me tourmenter. Ma famille me regarde-t-elle ? M'ont-ils vu dans les bras de cet homme ? Pensent-ils que j'ai souhaité participer à ce jeu ? Sont-ils en sécurité ? Lise se sent-elle coupable ou se trouve-t-elle affalée sur notre canapé à exploser de rire devant mon état pitoyable ? Vais-je me faire virer ? Les regards des gens qui me connaissent ont-ils changés ? Comment ne le pourraient-ils pas ?

Le monde entier me voit probablement pleurer. Quelle honte. Ma tête s'enfouit dans un des coussins tie and dye et un flot de larmes se déversent. Je me sens mal. Je me déteste. Je veux remonter le temps. Ne jamais sortir de chez moi et rester devant mes séries. Je veux récupérer ma vie avec son lot d'imperfections et de malheurs. Et aussi, ces quelques instants de bonheur maintenant à la surface. Je veux que ma première fois se fasse avec quelqu'un que j'aime et qui m'aime. Je veux m'arracher le cœur et ne plus souffrir.

The Virginity Game - L'île PerdueWhere stories live. Discover now