Chapitre 3 : Le "grand malheur"

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Dame Fukuko la fixa en silence, troublée. Elle ne savait pas trop comment réagir pendant quelques instants, puis secoua finalement la tête d'un air faussement assuré.

"Ne t'inquiète pas, Suzu. Tu dois être un peu fatiguée et stressée, c'est une des plus grandes occasions de notre vie. Et c'est pour ça qu'il faut qu'on se dépêche d'y aller.

-Non, s'il vous plaît, écoutez-moi ! Je ressens la mort, Madame, la mort !

-Arrête tes bêtises Suzu et viens tout de suite."

Le regarde de Dame Fukuko s'assombrit soudainement, si bien que Suzu eut encore plus peur. Elle ne pouvait pas lui désobéir, c'était sa maîtresse... Et elle avait sûrement raison, elle devait simplement s'imaginer des choses. Elle retint quelques larmes et suivit malgré elle la femme dans la salle des enchères. Elle se sentait affreusement opprimée, entre les menaces de la dame et la sensation malsaine qui pesait en ces lieux. Elles trouvèrent Tamiki rapidement à l'arrière car la salle était déjà remplie. Tout ce qui pouvait la réconforter était le fait qu'ils étaient les plus proches de la sortie au moins. Elle caressa la plume à son oreille, comme pour sentir la présence de sa mère biologique.

Du coin de l'œil, elle vit que Dame Fukuko grinçait des dents, sûrement embêtée d'être tout derrière, car elle était un peu plus petite que le groupe d'hommes se trouvant juste devant elle. Elle se tourna ensuite vers leur majordome et serra sa main, se tenant contre lui, le haut de la tête frôlant son épaule. Il baissa la tête vers elle et voulut lui caresser gentiment la tête pour la réconforter, mais Dame Fukuko ne lui laissa pas le temps. Elle tira brusquement vers elle Suzu et lui chuchota d'une voix qui ressemblait plus à un grognement :

"Tu peux activer ton pouvoir, ça commence."

En effet, deux hommes venaient d'apparaître sur scène. L'un était étonnamment petit, avec de courts cheveux noirs et des yeux violets. Au contraire le deuxième était nettement plus imposant avec de nombreuses cicatrices sur son visage ainsi que des longues oreilles qui pendouillaient sur son torse. A la vue de ces deux-là, le sentiment qu'un grand malheur allait se passer s'intensifia. Son pouvoir lui permettait d'influencer le destin d'autrui, mais elle ne pouvait pas le changer complètement à son niveau. Et actuellement, elle savait que ce qui ne tarderait pas à se produire sera abominable, et qu'elle ne pourra rien faire pour l'empêcher. Elle sentit son pouvoir s'activer d'instinct : si elle ne pouvait pas annuler un malheur, elle pourrait au moins essayer de sauver Dame Fukuko, Tamiki et elle.

"Bienvenue, et merci d'êtres venus aussi nombreux." murmura doucement le plus petit des deux organisateurs.

Entendre cette voix, pourtant inconnue, ne la rassura pas du tout. Suzu l'assimila au sifflement d'un reptile, prêt à bondir sur sa proie. Elle fit un pas en arrière lâchant sans s'en rendre compte la main de Tamiki.

"Mais je vais vous épargner des présentations fastidieuses."

Un sourire discret s'esquissa sur son visage pâle, ce qui intimida encore plus Suzu qui cette fois-ci, fut bousculée de l'intérieur par l'horrible sensation qu'émettaient ces deux personnes. Elle n'eut que quelques secondes pour réagir, durant lesquelles elle empoigna d'une main le bras de Dame Fukuko et de l'autre celui de Tamiki, les emmenant avec elle vers la sortie. Ils n'eurent pas le temps de protester, car une pluie de balles s'abattait autour d'eux, couvrant les cris des autres invités qui mourraient un par un. Grâce à son pouvoir, elle eut assez de chance pour éviter les balles et sortir de cette pièce au plus vite. 

Encore sous le choc, il n'y avait que la jeune Suzu qui réfléchissait à toute vitesse. Elle plaqua ses mains sur ses oreilles pour faire stopper les plaintes des condamnés derrière elle. La mort. La mort, ça sentait la mort tout autour. Elle ne fit pas attention aux giclures de sang sur ses habits, de toute façon, elles ne lui appartenaient pas. Elle devait écouter son instinct dicté par son pouvoir pour sortir d'ici vivant, ce qui n'était pas chose facile quand elle pensait à toutes ces vies qu'elle allait abandonner derrière. Ne lâchant pas les bras des deux autres personnes, elle se dirigea vers la sortie principale en essayant de se dépêcher. Mais Dame Fukuko refusa de bouger au départ.

"Suzu ! Où est-ce que-...

-Par là, vite !"

Ils essayèrent de courir alors, mais la jeune fille remarqua bien vite que Tamiki n'arrivait pas à suivre le rythme. Il boitait, en fait. Puis elle vit une trainée de sang vif sur son passage. Elle ne put s'empêcher de lâcher un hoquet de terreur en s'arrêtant, cherchant du regard la plaie.

"Tamiki ! Il t'a touché ?

-Ce n'est rien Mademoiselle... Ne m'attendez pas, je vous rattraperai."

Sur ces paroles, il s'effondra par terre en se tenant la jambe, d'où s'échappait un filet de sang. Il fronça les sourcils à cause de la douleur, tout en respirant bruyamment. Mais Suzu ne lui obéit pas. Elle s'accroupit à ses côtés et réfléchit pour trouver une solution.

"Suzu, on doit partir, laisse-le, ordonna Dame Fukuko d'un ton précipité.

-Il n'en est pas question ! Je vais le sauver, je vais utiliser mon pouvoir pour te sauver..."

Elle était déterminée à sauver le majordome. Elle l'aimait sincèrement et ne voulait le perdre pour rien au monde. C'était son ami, son confident. Il ne méritait pas de mourir, et même si Suzu n'avait jamais employé de cette façon son pouvoir, elle allait essayer le tout pour le tout. Posant ses mains sur la plaie, elle se concentra. Faites qu'il ait la chance de survivre, de se relever, de courir aussi longtemps que ses jambes le portent, qu'il fuit loin et qu'il ait la vie sauve. 

Suzu ne faisait plus attention à ce qu'il se passait autour. Ainsi, elle ne remarqua pas la jeune femme avec une paire de lunettes qui s'approchait d'eux d'un air impassible. Sa tenue était plutôt simple avec quelques bijoux, mais elle portait surtout un étrange aspirateur avec elle. Dame Fukuko prit son écharpe d'une main, se mettant en position de défense. Sans prévenir, la fille à l'aspirateur fit un bond de côté et donna un coup puissant vers la maîtresse de Suzu, qui le para tant bien que mal avec son foulard, s'enroulant autour de l'objet pour le bloquer.

"Qui êtes-vous ?" s'écria Fukuko, sa voix trahissant une once de peur.

La jeune femme ne lui répondit pas et se dégagea sans mal de l'étreinte de l'écharpe. Elle ne revint pas à la charge tout de suite, analysant les individus devant elle avec intérêt. Suzu profita de ces instants de répit pour relever la tête vers Dame Fukuko, ayant fait son possible pour aider Tamiki dont la plaie semblait s'être arrêtée de saigner pour le moment. 

"Aidez-le à se relever Madame, et sortez d'ici rapidement !"

Elle s'empressa de tirer le majordome vers elle pour le remettre sur pieds, puis, le soutenant sur son épaule, elle se dirigea hâtivement vers la sortie. Suzu puisa dans ses dernières forces pour rendre malchanceuse leur attaquante. Celle-ci avança à nouveau à une vitesse fulgurante droit vers les deux rescapés pour les achever avec son aspirateur, mais rata son coup pourtant bien précis. Le temps de comprendre ce qui venait mystérieusement de se passer, ils étaient déjà sortis. Seule Suzu était encore à l'intérieur, les doigts poisseux à cause du sang de Tamiki. L'odeur métallique n'arrangea pas ses soudains vertiges. Trop épuisée, elle s'écroula par terre en sentant le monde autour d'elle disparaître. Allait-elle déjà mourir ? Dans un dernier faible geste, elle toucha du doigt sa boucle d'oreille en plume. Peut-être que sa mère l'attendait.

Elle entendait des pas s'approcher d'elle... Puis plus rien du tout. Elle venait de perdre connaissance.

Bad Luck. - HxH FanFicWhere stories live. Discover now