Chapitre 28

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Louis resta de longues heures dans la salle d'attente, les yeux vides et la chemise couverte de sang. Son sang. Son regard sombre et dénué d'éclat fixait sans ciller l'affiche punaisée au mur d'en face qui conseillait de se brosser les dents trois fois par jour sous peine de carries et autres inconforts buccaux-dentaires. Il jeta bref coup d'œil à l'horloge accrochée au-dessus du bureau de la réceptionniste. Elle indiquait minuit et demi.

L'ambulance était arrivée quelques minutes après l'évanouissement de Harry. Les secouristes s'étaient empressés de l'installer sur une civière et de calmer l'hémorragie. Louis avait pu accompagner Harry jusqu'à l'hôpital où des médecins le prirent en charge. Cela faisait maintenant plus d'une heure que son petit ami était en salle d'opération, entre la vie et la mort.

Coudes en appui sur les genoux, Louis enfouit le visage dans ses mains et ses doigts serrèrent son crâne, comme pour l'empêcher de sombrer dans la folie. La scène défilait en boucle dans sa tête. Le coup de feu, le corps raide de Harry s'écroulant sur le sol, l'odeur du sang, le goût de la peur. Il revivait sans cesse le kaléidoscope d'émotions qui saisit son cœur à cet instant et songeait à ce qu'il aurait pu faire, à ce qu'il aurait dû faire. Il ferma fortement les yeux, essayant de chasser cette culpabilité qui gangrénait son esprit.

Il s'était juré de protéger Harry, il avait même eu l'audace de menacer Mario Castro. Le caïd devait d'ailleurs bien se moquer de lui à cette heure-ci. Furieux contre lui-même, Louis frappa sa cuisse, s'attirant ainsi quelques regards intrigués. Il n'avait pas réussi à prendre soin de la personne la plus chère à son cœur, il n'avait fait que la regarder souffrir et de depuis le début. Harry avait toujours souffert par sa faute, depuis ce maudit enterrement de vie de garçon. Il releva un peu la tête et scruta les environs avec véhémence, espérant apercevoir le chirurgien qui opérait Harry.

Il tentait d'imaginer un scénario plaisant. D'ici quelques minutes, le docteur Selena tapoterait son épaule et le sortirait de sa torpeur. Il lèverait les yeux vers elle et croiserait son sourire lumineux. D'une voix à la fois douce et enjouée, elle lui annoncerait que Harry allait bien. Il la remercierait en la serrant contre lui et courrait jusqu'à la chambre de Harry pour l'embrasser fiévreusement.

Hélas, ses yeux noirs voilés de chagrin ne décelaient aucun chirurgien, juste une salve de patients maladroits et excessivement inquiets, sans compter quelques infirmières occupées à prendre leur pause cigarette à l'extérieur. Louis lâcha un long soupir, abattu. Si Harry ne s'en sortait pas, il ne se le pardonnerait jamais. Comment pourrait-il affronter les regards accusateurs de Anne et Desmond ? Comment pourrait-il se lever le matin et comment pourrait-il s'endormir le soir si la mort de Harry alourdissait sa conscience ? Comment pourrait-il continuer à vivre si Harry ne respirait plus ? Ses songes s'orientèrent vers des souvenirs cruellement doux.

Louis se souvenait de tout. Du goût de ses lèvres et de la profondeur de ses yeux. Du toucher délicat de sa peau et des battements irréguliers de son cœur lorsqu'il lui chuchotait ses « je t'aime ». De la chaleur de ses bras et de la douceur de ses cheveux. Du ton rauque et quelque peu mielleux qu'adoptait sa voix lorsqu'il prononçait son nom. Chacun de ses murmures, chacun de ses cris, résonnait encore dans les tympans du brun.

L'éclat particulier de son rire, aussi lointain soit-il, faisait toujours battre son cœur de la même façon. Louis ferma doucement les yeux. Il se souvenait de tout. De la douleur poignardant sa poitrine dès qu'il l'apercevait avec une fille. De chacun des sanglots qu'il avait pu verser pour Harry et de chaque sourire qu'il avait fait naître sur son visage. Du temps perdu à se considérer comme de simples amis parce que c'était tellement plus facile à vivre.

Si Harry était là, ses bras entoureraient certainement son corps tremblotant pour le réchauffer comme ils savaient si bien le faire. Sa bouche trouverait sans doute le chemin jusqu'à son cou pour y déposer un délicieux baiser qui l'aurait fait frissonner. Sa respiration aurait suffit à calmer ses angoisses et, d'une voix suave et rassurante, il lui susurrerait que tout irait bien. Sans s'en rendre compte, Louis tressaillit.

L'homme de sa vie (Fanfiction Larry)Where stories live. Discover now