D'OR ET DE JAIS - Tome 2 en 2024

Chapitre 3 - James-Karl

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Le conseil des aînés a été créé comme organe régulateur à l'issue de la Grande Guerre des Clans, afin que plus jamais la meute n'ait à vivre la perte d'autant d'être chers.

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Le soleil décline sur la stèle des défunts et un rayon orangé caresse le marbre noir. Au loin, la forêt demeure imperturbable.

Awu a flairé un blaireau dès que nous sommes arrivés et s'est éclipsé pour le traquer. Je ne devrais pas tarder à rejoindre la yourte pour le repas du soir, mais j'ai besoin de venir ici.

Je sais très bien que cet endroit ne veut rien dire lorsque l'on n'est pas un homme pieu. Je n'ai aucun doute sur le fait que rien ne nous raccroche à ceux qui nous ont quittés. Ce n'est qu'un moyen futile que nous a offert la Déesse-Lune pour effectuer nos deuils et expier nos fautes.

Mon frère...

Et moi, j'en ai fait tellement... de fautes.

— Parfois, je ne suis pas sûr d'être celui qu'ils croient, dis-je sans quitter des yeux l'horizon. Ce chasseur légendaire, ces prouesses inégalées... Ce ne sont que des excuses... Un moyen de croire en notre descendance. Père était un parfait alpha et Mère une parfaite oméga. Pourquoi devrais-je prendre leur place ? Zaya s'en sort très bien. Tu la verrais. Tu la trouverais grandiose. Tout le monde l'appelle La Juste. Je ne serais jamais comme elle. La bête féroce au fond de moi, personne ne la voit jamais. Mais je sais qu'elle est là. Qu'elle attend. Et toi aussi, tu le sais, car tu la vois aussi, n'est-ce pas ?

« Arrête. »

Je secoue la tête. Si les aînés m'entendaient, ils me banniraient de la meute sans hésitation.

Jamais vraiment perdu, mais à la limite de l'être.

Je ne peux pas me permettre de craquer. Les lycans ne deviennent pas sauvages. Un loup sauvage est un loup qui n'a plus de limite à la férocité, à la haine, qui n'a plus d'Empreinte avec sa meute. À l'image de Bolor le féroce, tout le monde a peur d'un loup sauvage. Encore plus d'un loup sauvage qui règne.

— Je ne devrais pas devenir pack alpha. Je ne suis pas à la hauteur.

"Tu es un bon loup, James. Tu seras le meilleur packAlpha que le clan Roé ait jamais connu."

Je m'humidifie les lèvres avec nervosité et lève la tête vers le ciel.

— Je t'entends dans ma tête, Karl ! grondé-je dans le vide avec désespoir.

Mes mains tremblent et mes poings se serrent. Je suis nerveux. Je n'y peux rien.

"Tu es un bon loup et je t'aime."

Je ferme les yeux et respire avec profondeur pour me calmer. Je n'ai pas pleuré depuis des années et il n'est pas question que ça change ce soir.

— Je n'aurais pas dû naître alpha. Mère n'aurait pas dû me sauver en premier à cause de ça.

"Elle a fait ce qu'elle avait à faire. Elle a eu raison. Tu réussiras."

— Nous n'en savons rien. Je finirai par perdre la tête. Lucy ne pourra pas toujours me tenir la tête hors de l'eau. Elle n'est pas éternelle. Personne ne l'est.

"J'ai confiance en toi. Père, Mère et Zaya aussi."

— Awu le sent aussi. C'est un bon loup, mais il ne mérite pas d'un maître comme moi. Il mérite d'être le compagnon d'un grand chef, pas d'un imposteur. Il n'a pas choisi lui non plus. Zaya aurait dû s'occuper de lui.

"Tu sais très bien que c'est impossible. On ne choisit pas nos loups. Ce sont eux qui nous choisissent."

— James-Karl ?

Je me retourne dans un sursaut alors que la main de ma sœur se pose sur mon épaule. Zaya est notre PackAlpha depuis que Père et Mère sont morts. Elle s'accommode de ce rôle le temps que je prenne sa place. Que je sois prêt. Ça ne devrait plus tarder.

Au prochain solstice de printemps.

Ma béta de sœur me sourit.

— Tu viens présenter tes respects à notre famille ? plaisante-t-elle.
— Oui, comme toujours.

La seule chose qu'elle ne sait pas, c'est que mon ombre me suit partout, tout le temps.

Mon frère, mon âme double.

— Je suis désolée de t'interrompre, mais nous devons retourner au village. Les aînés veulent que le conseil se rassemble. Nous devons décider de ce que l'on fait de cet humain. Il ne mourra pas de ses blessures et la réaction d'Awu est pour le moins... étonnante. Nous ne pouvons pas l'ignorer plus longtemps.

Je gronde et l'odeur de petrichor entre nous devient aigre. Je déteste que l'on remette en question mon loup, même si pour la première fois de ma vie, je n'ai pas compris la réaction d'Awu, mon compagnon.

Nous étions en chasse, il y a sept lunes, et un humain a traversé notre territoire de chasse alors que nous étions en pleine traque. Son destin était scellé. Les humains ne découvrent pas les lycans. Mais quand Awu l'a mordu, à deux reprises, il s'est mis à hurler à la mort dans un chant de lamentations. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Il a jeté le garçon inconscient sur son dos et l'a ramené au village. Je n'ai pas eu le choix que de le suivre. Awu n'avait jamais couru aussi vite.

— Nous devons prendre une décision.
— Laissez Awu en dehors de ça, grondé-je, en montrant les dents.
— Tu sais très bien que c'est impossible, James-Karl. Nous avons des responsabilités. Les aînés disent que c'est un mauvais présage. On ne blesse pas un humain pour le sauver ensuite.
— Awu n'est pas féral, paniqué-je. Je le sais. Mon compagnon n'est pas sauvage.
— Je sais, Jake. Je sais. Et je suis sûre que personne n'en doute. C'est juste le conseil des aînés. Ça va bien se passer ne t'inquiète pas.
— Je ne sais pas ce qui lui arrive... Il n'a jamais fait ça avant.
— Allons-y. Plus vite, c'est fait. Plus vite on pourra passer à autre chose.